Titre : Suréquipée
Auteur français : Grégoire Courtois
Première édition en 2017
Catégorie : novella de science-fiction
176 pages
Et si la voiture de demain était organique ? C’est-à-dire entièrement fabriquée à partir d’éléments issus du monde animal et, qui plus est, douée d’une faculté de penser.
Grégoire Courtois imagine que l’une de ces voitures soit le témoin de la disparition énigmatique de son conducteur. Elle est donc ramenée à l’usine, où son concepteur nous fait défiler plus de 10 années de flashs mémoriels enregistrés, dans l’optique de faire comprendre à l’huissier de justice comment fonctionne cette voiture, pour mieux le préparer aux derniers enregistrements, ceux qui montrent comment le conducteur a disparu.
Une novella originale, mais aussi dérangeante, qui vient interroger le rapport de l’homme à la voiture.
Dérangeant, car Grégoire Courtois est allé loin, trèèèès loin, dans l’illustration du fantasme perpétuel que l’homme entretient avec sa voiture. La BlackJag – c’est son nom – est ainsi dotée d’une peau de femme ! Et le propriétaire de cette voiture, Antoine, est fou amoureux de sa voiture. Il aimerait d’ailleurs tant qu’elle adopte un langage sentimental avec lui, plutôt que de se contenter de lui délivrer des informations formelles sur ses fonctionnalités ou sur la conduite. Antoine aime tant et plus caresser le volant de cette voiture, et s’installer confortablement sur le siège conducteur.
Alors bien sûr, cela n’est pas très bien pris par l’épouse d’Antoine. Elle essaye au début de se faire à cette bagnole. Elle essaye même de la conduire, ce qui ne se révèlera pas très concluant et lui vaudra l’interdiction absolue de la toucher encore une fois. Pas question que la BlackJag ait une seule égratignure ; car pour Antoine, elle représente un nouveau membre de la famille. Un nouveau membre dont la présence va devenir de plus en plus encombrante aux yeux de l’épouse d’Antoine.
J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de participer à des échanges en café littéraire sur cette novella. Ce qui m’a permis de voir qu’elle pouvait choquer et écoeurer. Car outre l’usage de la peau de femme dans la conception de la BlackJag, certaines scènes entre Antoine et la voiture sont pour le moins particulières ; et on m’a souligné que l’épouse d’Antoine faisait figure d’hystérique de service. Alors, qu’en déduire ? Suréquipée serait-elle une novella machiste ? A mon sens non, c’est tout le contraire. Grégoire Courtois vient justement pousser le rapport de l’homme à sa voiture à son paroxysme, nous faisant vomir pour mieux nous écoeurer de ce que la voiture représente déjà dans notre société. Et si l’épouse d’Antoine devient certes hystérique, je trouve en fait son comportement assez normal étant donné le taré de mari qu’elle a.
Mais il est vrai que tout cela étant raconté à travers la narration neutre de la BlackJag, à aucun moment l’avis de l’auteur ne transparaît explicitement. C’est donc au lecteur de décoder lui-même le message. Il n’est certes pas impossible que cela puisse exciter certains mâles fans de Fast and Furious, qui n’y comprendront donc rien aux intentions de l’auteur, mais le lecteur qui aura déjà réfléchi un tant soit peu à la question verra clairement le message de dénonciation que nous envoie l’auteur.
Au-delà du rapport entre l’homme et sa voiture, ce texte nous interroge aussi sur le rapport entre l’homme et les IA. Car si la BlackJag est plus ou moins douée de pensée (vous verrez que son concepteur le dément formellement, mais pour le lecteur il s’agit vite d’une évidence), elle a néanmoins été programmée pour obéir quoi qu’il arrive, dans l’objectif de satisfaire avant tout son conducteur, même si les ordres sont insensés. C’est tout à fait logique dans un lien de maître à objet, sauf qu’à partir du moment où l’objet est capable de penser et de souffrir, cela devient un rapport de maître à esclave. On touche ainsi à des questions assez similaires à celles des droits des androïdes.
Je vous recommande donc chaudement cette novella. Imaginer une narration à travers les yeux d’une voiture est une idée de maître, qui m’a beaucoup plu. J’ai beaucoup apprécié comprendre comment fonctionne la BlackJag, découvrir la relation qu’Antoine a peu à peu construite avec elle, et voir la folie de cet homme se dévoiler de plus en plus. Grégoire Courtois nous pousse à regarder notre réalité en face, certes avec des procédés qui peuvent déranger, mais qui sont très efficaces !
Bon, bon.
RépondreSupprimerALors, oui, je pense bien que l'idée est originale et pliasante. Par contre, je n'aime pas certains aspects un peu trop glauques... Alors, je ne crois pas franchir le cap.
Je peux comprendre ^^. Plus que glauque, c'est même écœurant et à vomir parfois. Mais j'estime que c'est utile.
SupprimerMoi ça me donne envie ! Je ne l'ai toujours pas dans ma PAL, mais ton avis me rappelle qu'il faut que cela change ! Je déteste les bagnoles, enfin j'en ai une comme tout le monde, mais je m'en tape disons. Mais j'avoue que le coup de la voiture organique me plaît bien.
RépondreSupprimerJe pense que ça peut te plaire. Tu ne t'engages par ailleurs pas pour une lecture très longue : c'est une novella de 176 pages. Et encore : les chapitres faisant 4-5 pages, on a énormément de blancs. Donc en réalité on tourne plutôt sur du 120 pages.
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