Titre : L’Espace d’un an
Auteure américaine : Becky Chambers
Première édition (en anglais) en 2014
Catégorie : roman de science-fiction (space opera)
448 pages
En embarquant à bord du vaisseau spatial le Voyageur, vous allez vivre aux côtés d’un équipage d’un genre particulier, puisqu’il est chargé de forer des tunnels (des “trous de ver” pour être exact) dans le vide de l’espace, qui permettent de passer d’un point A à un point B de la galaxie à toute vitesse.
L’équipage se compose de huit personnes, aux origines très diverses : des humains, mais aussi une alien avec des écailles et des plumes, un autre habité par un virus qui le rend suprêmement intelligent, ou encore une intelligence artificielle.
Ils accueillent parmi eux une nouvelle : Rosemary, une humaine née sur Mars, qui leur cache son identité réelle pour une mystérieuse raison.
Ce bel équipage, vous allez apprendre à le connaître pendant un an, soit la durée de leur nouvelle mission qui doit les emmener au coeur de la galaxie pour y creuser un trou de ver. Ce nouveau trou de ver revêt une importance politique toute particulière : il reliera un peuple de plus au reste de l’Union Galactique (UG). Un peuple dangereusement belliqueux, mais qui contrôle de grosses quantités de carburant convoitées par toute l’UG, d’où l’intérêt d’en faire un allier.
Un voyage d’un an, c’est très long : une durée suffisamment importante pour que Rosemary s’intègre dans l’équipage et que des amitiés se créent, mais aussi pour que de nombreux problèmes se déclarent : panne matérielle, attaque de pirates, sauvetage imprévu…
Une belle aventure qu’il vous est donc proposé de partager en montant à bord du Voyageur en même temps que Rosemary !
Sachez-le tout de suite : on ne lit pas ce roman pour son intrigue. Cette mission longue et dangereuse vers le coeur de la galaxie n’est qu’un prétexte. Idem pour les compétences de l’équipage : le forage de trous de ver apporte certes un charme à l’ensemble, mais cela n’est dans le fond qu’un élément du décor. Ce qui prime ici, ce sont les personnages.
Et quels personnages ! Ils sont d’une grande originalité. On ne peut d’ailleurs pas parler de ce roman sans vous les présenter un minimum. Donc apprenez qu’à bord du Voyageur, vous rencontrerez d’abord le capitaine, humain exodien (ce qui signifie qu’il est né à bord de la flotte de vaisseaux spatiaux qui a fui la Terre) ; mais aussi une humaine martienne (Mars étant peuplée par de riches humains qui avaient abandonné les exodiens à leur sort) ; un nain né sur Terre et fou amoureux de l’intelligence artificielle de bord ; une autre technicienne humaine, extrêmement douée et amoureuse de son travail ; un alien cuisinier et docteur (M. “Miam”, originaire d’une espèce en voie d’extinction) ; le pilote du vaisseau, qui ressemble à une sorte de lézard avec des plumes et des écailles ; Artis Corbin, la personne la plus austère et rabat-joie du vaisseau, qui est responsable de la production d’algues qui constitue le carburant du Voyageur ; et enfin Ohan, qui guide le pilote lors du creusement des trous de ver, grâce à un virus qui a développé en lui des compétences particulières gardées secrètes par son espèce.
Les relations entre ces personnages sont émouvantes : ils sont unis par l’amour et l’amitié, des sentiments d’autant plus précieux pour eux que leur passé n’a pas toujours été facile (comme c’est le cas de M. Miam qui a été médecin militaire et a vu les siens se faire décimer). Ces liens font chaud au coeur : j’ai eu plaisir à retrouver chaque soir ces personnages ; le Voyageur est une sorte de cocon dans lequel l’équipage et le lecteur ont plaisir à vivre. Des liens d’ailleurs peut-être un peu trop forts, qui créent une ambiance un peu bisounours qui manque parfois de piquant et de réalisme.
Si Becky Chambers se concentre sur les personnages, c’est aussi pour nous montrer une rencontre entre des cultures très différentes. Sissix par exemple (celle avec les plumes et les écailles !) appartient à une espèce qui se balade nue, qui est très tactile, qui fait l’amour en public, et qui ne ressent aucun attachement à l’égard des enfants qu’elle engendre. Sissix apprécie énormément l’équipage, mais ressent avec difficulté ces différences culturelles. La pudeur des humains, par exemple, non seulement l’agace mais lui procure aussi une frustration physique et même sexuelle. A ce sujet, la différence culturelle entre les humains exodiens, pacifistes, et les humains de Mars est également intéressante et apporte de la profondeur aux personnages.
Toutes ces cultures participent clairement au charme de ce roman, mais j’ai parfois eu le sentiment que Beckie Chambers nous présentait un catalogue de toutes les espèces qu’elle rêvait depuis toujours de mettre en scène. Intégrer un grand nombre d’espèces dans un roman et nous détailler leurs cultures respectives n’est pas un problème, et peut même être une force, mais à condition que cela nourrisse véritablement l’intrigue, ce qui n’est pas toujours le cas ici. Vous considérerez peut-être que je fais preuve ici de rigidité, mais je trouve en effet fondamental que dans un texte littéraire rien ne soit laissé au hasard et qu’on ne nous présente donc pas des races extraterrestres simplement pour le plaisir de nous les montrer.
On retrouve d’ailleurs un problème similaire avec les péripéties de ce roman : tout comme Becky Chambers nous présente une addition d’espèces différentes, le roman a tendance à n’être qu’une addition de péripéties qui ne forment pas ensemble une intrigue générale. Le roman aurait presque pu être découpé en épisodes, comme dans une série télé. Chaque épisode a ici son intrigue et son dénouement, et permet d’approfondir la connaissance que l’on a de certains personnages (exemple : Artis Corbin est à un moment arrêté par une sorte de police locale du système planétaire traversé. Ce passage permet au lecteur de découvrir un secret sur ce personnage et de se rendre compte que les autres membres de l’équipage, même s’ils trouvent Artis désagréable au quotidien, restent solidaires malgré tout et ne comptent pas le laisser tomber).
Je suis assez partagé sur ce roman. Je le trouve d’un côté agréable et réconfortant, du fait de la simplicité de lecture et de la chaleur qui se dégage des relations entre les personnages (j’avais plaisir à replonger dans ma lecture, et c’est un point important pour un roman !). Mais d’un autre côté, j’ai été déçu de l’intrigue : L’Espace d’un an se présente comme une succession d’histoires à bord du Voyageur, avec pour véritable fil conducteur les relations entre membres de l’équipage, et non pas cette mission vers le centre de la galaxie. Le roman se termine d’ailleurs à peu près à la fin de cette mission, mais il aurait facilement pu se poursuivre indéfiniment, comme dans une série de type Star Trek.
Voilà donc en conclusion un roman qu’on oublie probablement assez vite, mais qui se lit très facilement, et qui vous mettra du baume au coeur. Si vous avez un coup de blues, il vous fera donc le plus grand bien !
Ce n'est pas le premier avis mitigé que je lis sur ce roman. Avec une référence à Star trek cela titille ma curiosité.
RépondreSupprimerMerci
J'ai peut-être eu tort de faire référence à Star Trek. Les aventures qui se trament à bord du Voyageur n'ont rien avoir avec Star Trek. Je voulais simplement insister sur le fait que les péripéties sont très découpées, assez indépendantes les unes des autres. Le lien d'une péripétie à l'autre, ce sont les personnages.
RépondreSupprimerJe pense que la façon d'apprécier ce roman est très liée à ton humeur du moment. Pour ma part j'avais à ce moment-là besoin de lire un bouquin heureux, et pas trop compliqué (j'avais précédemment lu Les Rêves de la Mer de Vonarburg qui est un roman magnifique mais aussi compliqué à lire).
Il faut que je découvre Vonarburg. Ce n'est pas la première fois que j'en entends parler chaleureusement.
RépondreSupprimerPour commencer je te conseille Chroniques du Pays des Mères, non chroniqué sur mon blog. Un roman féministe, qui montre comment sur le long terme les inégalités hommes - femmes en viennent à s'inverser. Très subtile, et des personnages intéressants.
SupprimerÇa ressemble à un "roman-doudou", un truc à lire quand a besoin d'un peu d'optimisme.
RépondreSupprimerJe pense m'y intéresser un jour, mais ça n'est pas ma priorité (faut croire que je n'ai pas besoin d'optimisme pour le moment... :D ).
^^ L'expression "roman-doudou" convient parfaitement ! Effectivement, nul besoin de mettre ce bouquin en haut de ta PAL. Mets simplement une option automatique pour qu'il y soit le jour où tu auras ton optimisme en berne :)
Supprimerça fais du bien un roman-doudou ! =)
RépondreSupprimerOui ! Décidément je crois que cette expression va lui coller à la peau ^^. On verra ce qu'il en sera pour le prochain tome.
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