Titre : Dôme (tomes 1 et 2)
Auteur américain : Stephen King
Première édition en 2009 en anglais (pour les deux tômes)
Catégorie : roman de science-fiction
Les deux tomes cumulés s’étendent sur 1 573 pages
Prenez une petite ville des Etats-Unis, un peu quelconque. Ajoutez-y une marionnette en guise de maire, avec un premier adjoint qui tient véritablement les rênes. Faites de ce premier adjoint un homme crapuleux (surnommé Big Jim), qui n’hésite pas à détourner de l’argent, tout en restant persuadé d’agir pour le bien de ses administrés. Et surtout, n’oubliez pas de mettre son fils, ingrédient majeur de la recette, un garçon un peu… perturbé.
Touillez bien l’ensemble et recouvrez le d’un DÔME ! Il ne vous reste plus qu’à laisser mijoter quelques jours et vous obtiendrez une ville dans laquelle la notion-même de démocratie semble ne jamais avoir existé.
Cette recette, c’est celle appliquée à la ville de Chester Mill qui se réveille un jour coupée du monde par la faute d’un gigantesque dôme, posée sur ses limites administratives, qui englobe le territoire communal aussi bien sous terre que dans les airs.
Combien de temps le dôme va-t-il rester en place ? Aucune idée. Mais plus le temps passe, plus Big Jim se dit que ce dôme représente l’opportunité de sa vie : il va enfin pouvoir prendre pleinement en main cette ville. Et ce n’est pas la Maison Blanche qui pourra l’en empêcher.
Reste que, vous êtes dans un roman trèsss américain. Donc forcément, comme par hasard, le jour de l’apparition du dôme, un ancien militaire ayant combattu en Irak, récemment reconverti en cuisto, s'apprête à quitter la commune. Le dôme l’en empêche, et le voilà bêtement coincé à Chester Mill, où il s’est fait bon nombre d’ennemis ces derniers mois.
Le sort en est jeté ! Comme vous l’aurez compris, le résultat ne sera pas beau à voir.
Quelle idée stimulante : poser une cloche sur un territoire ! J’aime beaucoup ce type de fictions, qui me rappelle d’ailleurs les romans de Robert Charles Wilson : on prend notre réalité telle qu’on l’a connaît, et on la bouscule par une événement particulier. Toutefois, seule l’idée de départ fait penser à du Wilson, car l’auteur n’aurait jamais déroulé le fil comme Stephen King le fait ici.
Le principe du dôme permet ici à Stephen King de nous offrir une belle illustration du potentiel de dévastation en sommeil chez les hommes. Certes il a choisi de mettre en place des personnages particulièrement crapuleux, mais qui sont dans le fond assez banals, puisqu’on en trouve malheureusement de semblables un peu partout sur Terre. En plaçant ce Dôme sur Chester Mill, Stephen King nous rappelle donc que dans certains contextes nous sommes capables du pire.
Stephen King déroule son idée dans un page turner comme je n’en avais pas lu depuis longtemps : j’ai dévoré les 1 573 pages avec avidité en moins de deux semaines. Je ne saurais dire comment King s’y prend : cela se lit avec une grande simplicité, et on a en permanence envie de connaître la suite. Cela m’impressionne d’autant plus que King a haché la narration en une multitude de points de vue narratifs différents : on passe donc notre temps à passer d’un endroit de la ville à un autre, à revenir en arrière dans le temps, soit des effets de narration qui nuisent souvent à la fluidité de la lecture en littérature, mais pas ici.
Malgré tout, ce roman présente des faiblesses. En premier lieu le manque d’originalité : passé la brillante idée du dôme, le lecteur est peu étonné par l’enchaînement des péripéties. Certains éléments de cadrage restent certes inconnus et permettent donc de maintenir le suspens (combien de temps le dôme restera-t-il en place ? Des jours ? Des années ? Ou même davantage ? Et jusqu’où ce fou de Big Jim ira-t-il ?), mais dans le cadre qu’il fixe, l’histoire est assez prévisible. On a en fait l’impression de suivre un feuilleton américain bien huilé. Même les profils des personnages font trop américain, et en premier celui de “Barbie”, le militaire qui a servi dans la guerre en Irak. Héros par ailleurs entouré de plusieurs femmes, complètement fans de lui (eh oui, le brin de sexisme semble toujours de rigueur dans les feuilletons américains, même s’il est très léger ici : il s’agit de femmes plus âgées que Barbie, et King parle assez peu de leur physique).
J’aurais donc aimé quelques péripéties surprenantes, et des personnages un peu moins caricaturaux. Barbie aurait notamment gagné à être creusé. C’est d’ailleurs étonnant : Big Jim et son fils (les “méchants”) sont assez bien dessinés et fouillés dans leur psychologie, idem pour le personnage secondaire de Julia, la journaliste, et c’est finalement le personnage du héros, Barbie, qui manque de profondeur. Que sait-on de lui ? Il a été militaire en Irak, y a vu et fait des choses pas belles, il a été décoré. Depuis il s’est retiré de l’armée, et vadrouille à droite à gauche. Mais pour le reste, néant… Et pourtant on a fréquemment des aperçus de ses pensées, mais toujours obnubilées malheureusement par l’Irak, comme s’il n’y avait que cela qui définissait cet homme. Je dois toutefois reconnaître que d’article en article sur ce blog je reproche souvent aux auteurs de ne pas creuser suffisamment les personnages. Je suis peut-être particulièrement exigeant (ou buté ? ^^) sur ce point.
Sur le plan des personnages, on notera toutefois une exception de poids à ma critique, en la personne de Big Jim, que je trouve parfaitement réussi. Avec lui, Stephen King parvient à sortir de la caricature. Car Big Jim ne pense pas être mauvais. Non, il est réellement persuadé de faire le bien de sa population, qu’il juge stupide, et ne cesse d’interpréter la Bible à sa sauce pour appuyer son propos. Or je trouve cela d’une grande crédibilité, car je pense qu’en effet les plus grands dictateurs ont une morale.
Un livre de plus sur lequel je suis très partagé : d’un côté j’ai été dépendant de ce bouquin pendant deux semaines, toujours déçu de devoir éteindre la lumière le soir, énervé que mon RER arrive en gare le matin, et joyeux de pouvoir me précipiter à nouveau dessus le soir ; mais d’un autre côté, en prenant du recul, Stephen King nous sert une recette américaine déjà vue 100 fois.
Ce manque d’originalité ne doit toutefois pas vous arrêter. Je vous conseille, sans le moindre doute, de lire ce roman. Vous ne risquez pas de vous ennuyer, et je trouve que Dôme apporte matière à réflexion sur ce qu’on pourrait appeler la “morale des dictateurs", c’est-à-dire cette capacité à justifier moralement le mal, qui explique que l’humanité n’en aura jamais fini avec les horreurs.
Pour ceux qui sont intéressés, Dôme a été adapté en série télévisée, sous le nom d’Under the Dôme. Je n’ai pas vu la série, et ne pense pas la regarder (le suspens étant un élément important de l’histoire). Pour ceux qui liront le roman, sachez bien que le partage en deux tomes est artificiel, et qu’il vous faudra donc impérativement lire l’ensemble des 1 573 pages (elles se consumeront à toute vitesse entre vos mains, rassurez-vous !).
Bonne lecture !
Roman disponible chez Le Livre de Poche (tomes 1 et 2) et chez Albin Michel (tome 2).
Je ne suis pas surprise que cela ne ressemble pas à la série que je trouve de qualité médiocre. Même si je m'en doutais. Cette image ne pousse pas à le lire, et je crois que je vais quand même décliner pour un récit écrit une centaine de fois=;
RépondreSupprimerMerci