Titre : Nova
Auteur américain : Samuel R. Delany
Première édition en 1968
Catégorie : roman de science-fiction (catégorie space opera)
317 pages
Lorq Von Ray et Prince Reed sont les héritiers respectifs de deux firmes titanesques, qui se partagent à elles seules une grande partie des richesses de la galaxie. Depuis plusieurs générations, les deux sociétés s’affrontent commercialement. En cause, un vieux conflit opposant leurs ancêtres.
Lorq Von Ray voudrait bien ignorer le passé. Mais il a le malheur de s’aventurer à séduire la soeur de Prince Reed. L’homme le prend dès lors en grippe et le frappe violemment. De cette altercation Lorq Von Ray conserve une vilaine balafre. Un nouveau cycle de violence débute alors entre les deux familles : Lorq Von Ray est bien décidé à se venger.
L’empire économique de Prince Reed reposant principalement sur un coût du transport élevé, Lorq Von Ray ambitionne d’en abaisser brutalement le montant en découvrant de nouvelles sources d’Illyrion, ce précieux carburant qui alimente désormais tous les moteurs. Il croit justement savoir que de grosses quantités seraient présentes au coeur des novas, ces étoiles qui explosent périodiquement.
Lorq Von Ray, excellent pilote de navirs spatiaux, embarque avec lui les premiers matelots qu’il trouve au spatioport et fonce droit vers une nova prête à exploser. Parmi eux, notamment Katin, qui tente désespérément de trouver le sujet de son premier roman, et la Souris, virtuose de la syringue, cet instrument qui projette des illusions à la fois visuelles et olfactives. Tous deux se trouvent ainsi malgré eux acteurs de ce conflit ancestral. Prince Reed et sa soeur sont déjà sur leurs talons ; la course commence.
Deux familles qui s’opposent depuis plusieurs générations. Voilà une intrigue assez courante, presque un thème classique de tragédie au théâtre. Rien de choquant à cela : mettre en scène une histoire déjà vue mille fois n’est pas gênant, du moment qu’on innove sur le reste (décor, psychologie des personnages, interprétation du sujet, actualisation en fonction du contexte historique…).
Mais ici, nulle innovation. On évolue au contraire en pleine caricature. La haine qui divise les deux hommes est stupide et trop simple pour être crédible : Lorq Von Ray a osé flirté avec la soeur de Prince Reed. Oulala, quel drame ! Que ça donne lieu à une petite dispute pourquoi pas, mais au combat d’une vie… cela me laisse perplexe. Même les physiques des personnages sont ridicules : d’un côté Lorq Von Ray avec sa balafre qui lui donne l’allure d’un pirate ; de l’autre côté Prince Reed doté d’un bras mécanique. Pire, Prince Reed se retrouve à un moment donné réduit à un tas de chaire dans un bocal, relié à tout un tas de tubes et de câbles qui le maintiennent en vie ; il nous parle alors via un synthétiseur vocal. On atteint là le summum du grotesque.
L’immersion dans le décor n’est pas très bien réussie non plus : j’ai eu du mal à m’imaginer les lieux où se déroulent les scènes, même si quelques touches d’originalité m’ont plu (les fleuves de lave par exemple). En témoigne la scène de séduction de la soeur de Prince Reed, qui a lieu sur l’île de la Cité à Paris : nous sommes à peu près 1000 ans dans le futur, il me semblerait donc logique de donner à voir ce qu’est devenue cette île tout au long de ces années. Mais rien… On comprend seulement que la cathédrale Notre-Dame est toujours là. Mais le plus grand échec en matière de décor se concentre à mon sens sur les scènes qui se déroulent dans l’espace, qui représentent pourtant une partie importante du roman. Quelle est par exemple l’allure du vaisseau spatial de Lorq Von Ray ? On ne le sait pas. Quant aux manoeuvres dans l’espace, et au ressenti des personnages face au vide de l’espace, quasiment aucune ligne là-dessus. On sait simplement que les personnages sont des cyborgs, et qu’ils connectent leur cerveau au vaisseau spatial pour le piloter. Voilà donc un écueil important pour un roman censé relater une bataille de pirates de l’espace...
Les personnages secondaires de Katin et La Souris constituent les seuls éléments positifs de ce roman. La Souris, car il joue d’un instrument de musique (la “syringue”) que je trouve très original, puisqu’il lui permet d’improviser des illusions visuelles et olfactives qui nous placent à mi-chemin entre un concert d’improvisation musical et une projection cinématographique. Très belle idée, mais qui est ici accessoire. Quant au personnage de Katin, c’est son côté grotesque qui le rend plaisant (et cette fois-ci je pense que cet effet est bien désiré par l’auteur) : incapable de trouver le sujet du premier roman qu’il souhaite écrire, il consacre toute son énergie sur des remarques de forme à respecter, qu’il prend en note à l’aide d’un dictaphone. A plusieurs reprises on l’entend ainsi formuler des prescriptions sur la manière d’écrire. Quant au sujet, il ne semble pas près de le trouver. Katin nous sert par ailleurs un certain nombre de discours qui se veulent intellectuels, faisant de lui la figure typique de l’homme persuadé d’être capable de produire un chef d’oeuvre artistique, mais sans jamais passer à l’acte. Au contraire La Souris ne procrastine pas : avec sa syringue il crée au quotidien.
Katin et La Souris sont donc assez intéressants, mais leur statut de personnages secondaires de l’intrigue ne leur permet pas de sauver l’ensemble du roman.
Dans les mauvais romans de space opera, les scènes d’action permettent généralement de sauver les meubles, en créant diverses péripéties et des enjeux de survie. Mais là encore Samuel Delany échoue : il y a certes quelques péripéties, mais qui ne semblent là que pour meubler en attendant la fin. Les rares scènes de combat sont par ailleurs traitées de manière expéditive et ne présentent aucun charme.
Vous l’aurez compris, je vous recommande chaudement de... fuir ce roman. Il n’a absolument aucun intérêt. Au mieux pourrait-il être recyclé pour servir de support à un scénario de film de série B (et encore, il y aurait du boulot de réécriture).
Si le grotesque avait été pleinement assumé, on aurait pu en faire un roman burlesque. Mais au contraire, Samuel Delany tente d’être sérieux dans son propos, sans y parvenir. Voilà donc un roman comique malgré lui.
Roman disponible uniquement en occasion.
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