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mercredi 30 novembre 2016

Lum'en..........un roman de Laurent Genefort

Titre : Lum’en
Auteur français : Laurent Genefort
Première édition en 2015
Catégorie : roman de science-fiction (planet opera)
356 pages

Photo du livre

Jugée pour un crime lourd, Lum’en fut autrefois enfermée dans le sous-sol d’une planète déserte : Garance. Les seuls êtres vivants avec lesquels elle parvint à entrer en contact furent des vers de terre. Elle réussit à créer un réseau de ces vers qui, connectés à elle, lui permirent de jeter un oeil sur ce qu’il se passait à la surface de la planète. Malheureusement pour elle il n’y avait rien à observer : aucune race intelligente avec laquelle entrer en contact ; personne donc pour la libérer de sa prison souterraine. Lum’en avait alors décidé de plonger dans un profond sommeil, pour résister plus facilement à la longueur de sa peine d’emprisonnement, qui devait théoriquement durer 10 000 ans.

100 000 ans plus tard, son réseau de vers la réveille : il se passe désormais quelque chose à la surface. Ce sont des hommes, venus coloniser Garance pour y exploiter ses minerais. Lum’en ne connaît pas cette espèce. Elle tente alors désespérément d’entrer en contact avec eux, avec l’espoir qu’ils la libèrent.

Lum’en c’est l’histoire de cette colonie, de ces hommes envoyés par la société “DemeTer” qui possède toute la planète. Une histoire de plus qui illustre l'imbécilité dont la race humaine est capable : ces hommes vont à la fois porter atteinte à l’écologie de Garance, ignorer et tuer en masse la race des Pilas (ces êtres étranges en forme de pieuvre, présents sur Garance depuis des milliers d’années), et se faire la guerre entre eux comme ils en sont si bien l’habitude.

Lum’en est un roman constitué d’un ensemble de nouvelles, qui se passent pour la plupart à Villevangk, unique cité construite par les colons. Chaque nouvelle correspond globalement à une génération de colons, permettant ainsi de témoigner de l’évolution progressive de cette colonie au fil des dizaines d’années.

Voici un aperçu de trois de ces nouvelles :

  • Un certain nombre de colons ont fui la capitale, Villevangk, choisissant de vivre dans la forêt, ce qui va à l’encontre de leur contrat avec la société minière, la “DemeTer”. On trouve de tels rebels sur la plupart des planètes exploitées par la DemeTer, et ils représentent rarement un danger pour les activités économiques. C’est pourquoi Vimal, tueur à gage, accueille avec étonnement l’annonce de sa nouvelle mission, consistant à assassiner l’ensemble des rebels. Son contrat exige qu’il détruise également tout le matériel qu’il trouvera sur place. Il a par ailleurs interdiction de tenter de comprendre ce dont il retourne. Étrange mission, mais très rémunératrice. Vimal compte donc bien la mener à son terme.

  • Tunktul Traîne-de-nuage est un pila érudit, et très curieux. Savoir qu’il existe une cité peuplée de dieux puissants quelque part sur la planète le surexcite : il veut absolument aller à leur rencontre et s'imprégner de leurs grandes connaissances. Il se réjouit beaucoup à l’idée qu’il pourra tisser toutes ses découvertes sur son arbre-à-connaissance, comme le veut l’usage. Son clan le prévient : “les dieux bruyants prendront ta vie à toi aussi”. Mais la curiosité l’emporte : Tunktul et son compagnon seront ainsi les premiers Pilas de l’Histoire à entrer en contact avec un homme.

  • De nombreux conflits sont nés sur Garance, suite à de lourdes difficultés économiques. La DemeTer envoie donc un diplomate, Jardi Moray, négocier entre les différentes parties : les autonomistes barricadés dans certains quartiers de Villevangk, les rebels qui vivent en forêt, le gouvernement, et la milice des propriétaires terriens. Jardi Moray va tenter de renouer le dialogue entre tous ces acteurs, parfois au péril de sa vie. Pour éviter de se donner une étiquette politique, il refuse de vivre dans les quartiers protégés du gouvernement, et renvoie les nombreux gardes du corps qui lui sont attribués. Il accepte toutefois d’être accompagné par une policière, qui se montrera à la fois agacée par certaines de ses méthodes, et en même temps pleine d’espoir.

Ce roman m’a beaucoup plu, et en premier lieu pour la qualité de son univers : l’écologie de cette planète est riche d’imagination et d’une grande beauté ; on prend plaisir à s’y promener mentalement. La planète Garance se compose essentiellement d’une forêt de “caliciers”. Comme leur nom l’indique, ce sont des arbres en forme de calice, qui abritent dans la partie en coupe toute une faune et une flore. Il y a donc toute une symbiose entre différentes espèces. Les caliciers puisent leurs ressources de minerais situés dans les profondeurs de la planète, ce qui fait leur malheur, puisque les colons les abattent massivement pour en extraire les minerais qu’ils contiennent.

L’écologie de cette planète tient aussi son originalité de son incapacité à produire des denrées comestibles pour les hommes. Ceci participe d’ailleurs grandement aux difficultés des colons, puisqu’ils dépendent entièrement des importations alimentaires effectuées par la DemeTer. Mieux vaut donc ne pas contrarier la société minière…

Bravo aussi à Laurent Genefort pour avoir imaginé les “Pilas”. La DemeTer, qui possède officiellement Garance, et a donc tous les droits d’exploitation minière, se donne énormément de mal pour que le Pilas ne soit jamais reconnu en tant que race intelligente. Car les entreprises n’ont pas le droit de s’accaparer et d’exploiter des planètes qui présentent déjà une forme de vie intelligente avant leur arrivée. Pour le lecteur, il est vite évident que les Pilas sont effectivement intelligents. Mais leur morphologie proche de celle du poulpe et leur langage qui s’appuie sur des variations de couleurs de leur peau contribuent à les éloigner de la conception traditionnelle que les hommes ont d’une forme de vie intelligente. Les avocats de la DemeTer parviennent donc aisément à les faire passer pour de simples animaux. Au cours de l’une des nouvelles de ce roman, Laurent Genefort rend justice aux Pilas, en nous montrant non seulement qu’ils sont intelligents, mais aussi qu’ils disposent d’une culture très riche. J’ai notamment beaucoup aimé l’idée que chaque Pila tisse tout au long de sa vie son histoire sur des lianes qui pendent du haut des caliciers. Toutes les connaissances des Pilas s’accumulent ainsi au fil des siècles sur les branches des caliciers, et chacun peut venir lire l’histoire de l’un de ses ancêtres.

Au milieu de cet environnement hors du commun, se trouve Villevangk, l’unique cité des colons, dont la physionomie est le fruit d’une “mondialisation” à l’échelle de la galaxie : le même béton, les mêmes tours d’immeubles, les mêmes machines que l’on retrouve dans toutes les cités humaines des planètes peuplées par les hommes.

Tout cet univers développé par Laurent Genefort sert une cause éthique, qui transpire à chaque page de ce roman : le drame qui se joue sur Garance est le même que celui de la colonisation, et plus récemment de l’exploitation sauvage des ressources naturelles et humaines des pays du sud.

Dans ce roman, les hommes ne sont pas des vainqueurs, ce ne sont que des parasites dont la planète tente de se défaire. J’ai beaucoup apprécié cela, d’autant que dans les fictions de space et planet opera il est fréquent de rencontrer des intrigues centrées sur l’aventure et la guerre. Ici il est plutôt question de découvertes de l’altérité : les personnages principaux sont amenés à rencontrer d’autres êtres qui diffèrent radicalement d’eux, et cela vient bousculer leur manière de penser. Tous ces personnages sont d’ailleurs eux-mêmes des marginaux, ce qui les rend intéressants.

Malgré les méthodes dévastatrices de ces colons, le lecteur les prend aussi en pitié, car ils ne sont dans le fond qu’une forme d’esclaves modernes, amenés ici par la DemeTer parce qu’ils crevaient de faim ailleurs. Cette planète, c’est leur chance de survie et celle d’un avenir meilleur. Malheureusement pour eux, leur colonie connaît de grosses difficultés à un moment de son histoire, ce qui met leurs rêves en péril.

Le format de ce roman, composé d’un assemblage de nouvelles, rebutera sans doute certains. Il est vrai que j’ai parfois été frustré de quitter si vite les personnages, mais ces nouvelles forment tout de même un tout cohérent. Cela n’a en effet rien à voir avec un recueil de nouvelles : la fin d’un chapitre implique certes la conclusion d’une intrigue, mais la fresque historique d’ensemble nous tient suffisamment en haleine pour que nous soyons poussés à poursuivre la lecture avec le chapitre suivant. Toutes les nouvelles de ce roman ne se valent pas, mais elles participent chacune à un jalon de l’histoire d’ensemble.

Ma seule déception reste le personnage de Lum’en : une attente est créée vis-à-vis d’elle ; il y a certes une conclusion, mais j’ai finalement trouvé que l’intrigue de ce personnage était assez artificielle et servait avant tout de fil rouge.

mon impression

Lum’en vaut clairement le détour. Laurent Genefort a imaginé un environnement original (les caliciers et les pilas), qui tranche avec tout ce que j’avais pu lire en science-fiction jusqu’à maintenant.

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer au début du roman, l’intrigue ne porte pas tellement sur le personnage de Lum’en, mais bien plus sur l’histoire de cette colonie humaine – dont on voit l’évolution avec ses hauts et ses bas – qui à la fois nous écoeure dans ce qu’elle est capable de faire de mal à cette planète, et qui en même temps nous prend en pitié quand on voit toutes les souffrances que la DemeTer lui inflige.

Je vous recommande donc chaudement ce roman !


Roman disponible aux éditions Le Bélial’ et Le Livre de Poche

3 commentaires:

  1. J'ai également beaucoup aimé ce roman. La construction peut quand même dérouté un poil quand on ne s'y attend pas. Comme toi, la planète en elle-même mérite de détour.

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  2. Merci pour le conseil de lecture, je vais me le procurer de suite ! ^-^

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    1. Très bon choix ! Je lirai ton avis avec intérêt

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