Titre : La fenêtre de Diane
Auteur français : Dominique Douay
Première édition en 2015
Catégorie : roman de science-fiction (voyage dans le temps / mondes parallèles)
299 pages
Le Lecteur, le surveillant, le Très Haut, les deux astronautes, ils sont tous coincés sur Le Livre, cet astre qui contient toute l’histoire de l’univers et de ses réalités parallèles. Plus précisément, ils sont coincés sur les pages d’une vieille époque, d’un vieux monde : la Terre, dans le dernier quart du XXe siècle.
Bien contraints de continuer à vivre, ils s’installent, et commencent une nouvelle vie. Au fil de leurs pérégrinations, ils en viennent tous à s’intéresser au même homme : Gabriel Goggelaye. Ce type a quelque chose de particulier : il semble capable de jouer avec les réalités et les époques, c’est-à-dire de surfer sur les pages du Livre. Mais il n’en a pas conscience. Ainsi lorsque la culotte de sa copine passe du coton à la dentelle, il croit à une hallucination. Hallucination aussi lorsqu’il surprend régulièrement deux hommes qui l’observent comme des fantômes. Hallucination encore lorsqu’il voit une porte-fenêtre dans le bureau du ministre, là où les autres ne distinguent qu’un mur plein.
Les dons de Goggelaye auront leur utilité en temps voulu. Mais pour cela Goggelaye doit prendre conscience de leur existence, et apprendre à les maîtriser. Tout un programme pour nos hommes du futur coincés sur Le Livre.
Entrer dans ce roman n’est pas simple. Vous devez pour cela affronter une bonne moitié du roman dans laquelle vous ne comprenez pas grand chose. Dominique Douay joue en effet avec le lecteur, qu’il s’amuse à perdre. Vous enchaînez ainsi des chapitres qui n’ont apparemment aucun lien : une sorte de kidnapping dans le Bucarest des années 1990 ; un vaisseau spatial qui se pose sur un astre inconnu ; un type qui pousse un malade assis sur son fauteuil roulant quelques minutes avant l’apocalypse… Un peu dur, mais il faut accepter de se perdre, d’accumuler les informations qui prendront sens plus tard, et pour l’instant de profiter de ces atmosphères et dialogues étranges qui sont très bien travaillés.
Il faut vraiment attendre le dernier tiers du roman pour que la composition d’ensemble se dévoile. Je dois avouer que cela n’a pas facilité ma lecture au départ, qui était donc plutôt lente. Mais a posteriori je ne trouve pas cela dérangeant. L’histoire n’est finalement pas l’élément le plus important. Je me suis d’ailleurs amusé à remettre par écrit les événements dans l’ordre, ce qui m’a permis de voir que le travail de composition est excellent, mais qu’il sert aussi à camoufler l’intérêt relatif de l’histoire.
Dans ce roman, le lecteur n’est donc pas mu par l’intrigue. On discerne bien quelques enjeux pour le personnage principal, Goggelaye, (pourquoi ses pouvoirs intéressent-ils autant ? Quel rôle doit-il jouer ?) mais cela ne nous tient pas en haleine.
Ce qui fait le délice de cette lecture, c’est de voir Goggelaye se dépatouiller – en même temps que le lecteur – avec les indices qui l’entourent pour tenter de mieux appréhender la situation. Il y a d’une certaine façon un jeu qui s’instaure entre le lecteur et l’auteur. On dit Dominique Douay fan de K. Dick, et je pense qu’on le voit justement dans ce jeu avec la réalité : non seulement Dominique Douay nous perd en mélangeant les époques et la chronologie de l’histoire, mais il nous montre aussi que la réalité peut changer de visage lorsqu’on la regarde via les yeux d’une autre personne. Plusieurs scènes nous sont ainsi montrées deux fois, par deux narrateurs différents, nous permettant de comprendre que notre premier regard était incomplet.
La fenêtre de Diane est un excellent roman, qui fait toutefois partie de ces bouquins où le lecteur doit accepter de se perdre. Habituellement je suis plutôt de ceux qui aiment distinguer clairement le fil de l’histoire, appréciant que l’enchaînement des chapitres se fasse globalement dans l’ordre chronologique. Mais ici j’ai finalement accepté de me prendre au jeu, et en suis sorti satisfait. Cette découverte progressive du rôle joué par chaque personnage, et ce tâtonnement de Goggelaye face à ses interrogations sur la réalité, m’ont beaucoup plu.
La quatrième page de couverture présente Dominique Douay comme un “auteur culte” des années 1970-80. Je ne l’avais jusqu’ici jamais lu, mais cela me donne envie d’explorer ses anciens succès (il a déjà été récompensé par deux Grands Prix de la SF Française).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire