Titre : L’invention de Morel
Auteur argentin : Adolfo Bioy Casares
Première édition en 1940
Catégorie : novella de science-fiction
116 pages
Un homme en fuite se réfugie sur une île déserte, réputée pour être un foyer de maladies, certain ainsi d’être à l’abri de poursuites. Il y trouve une villa abandonnée, dans laquelle il emménage.
Sa surprise est grande lorsqu’il constate sur l’île des allées et venues d’un groupe de vacanciers. Notre homme se cache, craignant d’être découvert.
Parmi eux, il remarque une femme, Faustine, dont il tombe immédiatement sous le charme. Il la trouve chaque jour au même endroit, en train de se prélasser au soleil. Dans les premiers temps il l’observe en secret. Puis il finit par l’aborder. Elle ne lui accorde toutefois aucun regard, l’ignorant complètement. Comment réagir face à un tel comportement ? Est-ce un affront ? Ou au contraire une marque de délicatesse ?
Il semble toutefois que Faustine ne soit pas la seule à l’ignorer. Tout le monde agit comme s’il n’était pas là. Que signifie tout cela ? L’île est-elle hantée par des fantômes ?
Cette novella nous présente un tableau à la fois mélancolique et burlesque. Mélancolique, car il faut imaginer cet homme, affreusement seul et invisible aux yeux des autres, qui va très certainement finir ses jours sur cette île en observant Faustine, objet de ses désirs, cruellement inaccessible. Et en même temps un brin burlesque, car il faut rajouter au tableau l’aspect hideux du personnage principal : barbe et cheveux longs et sans forme, habits sales et usés jusqu’à la moelle, et certainement l’odeur qui va avec. Vous avez donc ce Robinson Crusoé en train de contempler une nymphe.
Je ne suis pas parvenu à comprendre si l’auteur tentait de créer un suspens sur l’invisibilité du personnage. Il s’écoule bien deux tiers de la novella avant que notre Robinson acquière la certitude de son invisibilité. Il consacre donc du temps à se cacher des autres, de même qu’il prend garde à marcher dans l’île uniquement pendant les heures de sommeil des autres. Mais le lecteur comprend dès le début qu’il pourrait bien hurler et danser sur la table du dîner, personne ne le verrait pour autant. Y-a-t-il une histoire de fantômes ? Ou bien un mécanisme permettant de voir des scènes d’une autre époque ? Il est en tout cas évident que le passé de cette île resurgit d’une manière ou d’une autre.
La présence d’une mystérieuse machine dans le sous-sol de la villa – la fameuse invention de Morel – nous permet de deviner qu’il y a une explication technologique à tout cela. Mais laquelle ? Le lecteur assistera par moment à des superpositions de paysages, de deux époques différentes, comme en témoigne la présence de deux soleils, ou le fait que l’eau de la piscine semble propre aux yeux des vacanciers, et au contraire dégoûtante pour notre Robinson.
Le personnage principal finit par comprendre le fonctionnement de l’invention de Morel, ce qui se révèle assez poétique, mais également macabre. Je dois dire que je ne m’attendais pas à cette conclusion, et qu’elle m’a beaucoup plu.
Le dénouement est également empreint des figures traditionnelles du style mélancolique du XIXe siècle : présence de la mort, vestiges du passé, écoulement du temps et éternité.
Si les idées de cette novella sont plutôt bonnes, j’ai cependant trouvé qu’elles auraient dû être concentrées sur un texte plus court. Une cinquantaine de pages auraient à mon avis suffi. Je me suis par moment ennuyé, notamment dans ces scènes un peu répétitives où le personnage tente de se cacher, alors que le lecteur a compris depuis bien longtemps que c’est parfaitement inutile.
Une novella avec de très bonnes idées et un personnage principal au destin émouvant. Elle aurait toutefois gagné à être encore plus courte qu’elle ne l’est déjà (une centaine de pages). Il faut lire ce texte comme on contemple un tableau. L’action a peu d’importance, ce qui plaide justement en faveur d’une réduction du nombre de pages.
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