Titre : Serpentine
Auteure française : Mélanie Fazi
Première édition en 2008
Catégorie : recueil de nouvelles fantastiques
305 pages
Voici le résumé de deux nouvelles, pour vous donner un aperçu de ce recueil :
“Elegie”
Je me permets ici de dévoiler l’ensemble de la nouvelle, car elle repose davantage sur une atmosphère que sur une intrigue. Évoquer la fin ne gâchera donc pas votre lecture.
Un matin Deborah et son mari ont trouvé la chambre de leurs enfants vide. Ils avaient tout bonnement disparu, et rien ne laissait penser à un enlèvement.
Mais depuis, Deborah est toutefois persuadée de reconnaître les visages de ses enfants dans les traits formés par l’écorce d’un arbre, non loin de leur maison. Elle s’imagine que ses enfants vivent dans cet arbre.
Elle supplie son mari de venir voir cela de ses yeux, mais il s’y refuse, estimant qu’elle est devenue complètement folle. Lui a choisi une autre voie, celle de l'alcool. Deborah lui en veut énormément, estimant qu’il fuit au lieu de tenter de faire revenir ses enfants.
Deborah passe énormément de temps devant l’arbre. Elle l’enlace, elle le supplie de lui rendre sa progéniture. Un jour elle kidnappe même deux enfants qui ressemblent aux siens, afin d’exiger à l’arbre un échange.
La nouvelle se termine avec Deborah qui demande à l’arbre de l’engloutir aussi, pour qu’elle puisse vivre avec ses enfants.
"Rêves de cendre"
Toute petite, Bérénice a vu un oiseau dans un feu de cheminée. Désirant absolument le toucher, elle a plongé son bras dans le feu. Mais sa mère est immédiatement arrivée pour éteindre les flammes qui brûlaient déjà son vêtement, l’empêchant – estime-t-elle à regret – de toucher l’oiseau.
Depuis Bérénice en garde une cicatrice assez laide le long du bras. Elle porte toujours des habits à manches longues pour la cacher. Ses parents évoquent parfois la chirurgie esthétique, persuadés qu’elle a honte de sa cicatrice. En réalité, il n’en est rien : elle veut avant tout garder cette empreinte de l’oiseau pour elle, ne pas la montrer au monde. Bérénice est même fière de cette cicatrice et se souvient de cette brûlure, non pas comme d’une douleur atroce, mais plutôt comme du délicieux contact avec l’oiseau. Bérénice n’a du reste jamais parlé de l’oiseau à quiconque.
Toute son enfance, puis son adolescence, elle tente de le retrouver : elle le cherche dans les flammes des allumettes, puis dans les brûlures de cigarettes qu’elle s’inflige sur le corps, et ensuite dans les scarifications. La douleur ressentie la rapproche à chaque fois de ce fameux jour où elle a vu l’oiseau. Mais jamais elle ne parvient à le revoir. Bérénice s’enferme ainsi dans un cercle vicieux, consistant à augmenter constamment les sévices qu’elle s’inflige, espérant un jour retrouver l'oiseau.
On referme ce recueil en étant marqué avant tout par la qualité du style d’écriture et des portraits réalisés. Les atmosphères sont bien travaillées. Le lecteur plonge à chaque nouvelle dans un nouveau tableau, qui lui est souvent familier : une aire d’autoroute, une rame de métro, une salle de concert, un restaurant, une maison de vacances italienne, un saloon. A la banalité de ces lieux s’oppose l’étrangeté des personnages : des assassins, des morts-vivants, des fantômes, des fous ou encore des personnages de mythe greco-latin.
Notons au passage que l’unité de lieu et de temps, présente dans un grand nombre des nouvelles de ce recueil, permettrait facilement de retravailler les textes en manuscrits de pièce de théâtre. Lorsqu’on quitte le décor dépeint par Mélanie Fazi, c’est d’ailleurs souvent au travers des remémorations des personnages, exactement comme au théâtre.
J’ai également été marqué par la noirceur des histoires. A la lecture de ce recueil vous croiserez des morts de la route, des assassinés, des fous, des suicidaires, des personnages en quête de vengeance, des fantômes et des pompeurs de mémoire. Sur les dix nouvelles qui composent ce recueil, vous n’en trouverez que deux qui ne sont pas noires mais qui évoquent aussi la mort : « Mémoire des herbes aromatiques » dans laquelle Circée se venge d’Ulyse au cours d’un repas qui se passe à notre époque, et « Le faiseur de pluie » – sans doute le texte le plus léger de cet ouvrage – dans laquelle deux jeunes enfants tentent de libérer un fantôme suite à la mort de leur grand-mère. Vous êtes donc prévenus : il vaut mieux éviter de lire Serpentine si vous n’avez pas le moral.
Dans ce recueil, le fantastique n’est pas omniprésent. Il vient plutôt s’insérer par petites touches. Parfois, l’aspect fantastique n’existe d’ailleurs qu’à travers les yeux du narrateur, comme c’est le cas dans les nouvelles “Elegie” et “Reves de cendre” décrites ci-dessus. Dans plusieurs nouvelles, la présence du fantastique ne laisse aucun doute, mais se manifeste par contre tardivement : par exemple des personnages qu’on croit vivants tout le long de la nouvelle mais qui se révèlent finalement morts ; mai aussi des personnages qui dissimulaient jusqu’au ⅔ de la nouvelle leur capacité à aspirer les souvenirs de leur victime.
Toutefois, j’ai eu des difficultés à lire ce recueil, avant tout parce qu’il ne correspond pas à la littérature que j’affectionne. Je l’ai lu car je m’apprêtais à croiser Mélanie Fazi dans un café littéraire, et souhaitais donc me faire un avis sur elle. Je ne pense pas relire un jour l’un de ses textes. Outre ma préférence marquée pour la SF, au détriment de la fantasy et du fantastique, j’attache aussi de l’importance à ce que l’intrigue soit un élément clé du texte et non pas un simple support à l’écriture. Dans ce recueil, ce sont vraiment les portraits qui priment ainsi que le style d’écriture. Je me suis donc ennuyé.
Un recueil de nouvelles très bien écrites et nous peignant une série de portraits réussis. Mais ne lisez pas ce type de littérature si, comme moi, vous êtes attaché au développement d’une histoire.
Du reste, ne vous attendez pas à plonger dans des mondes radicalement différents du notre. Mélanie Fazi aime écrire sur des lieux bien réels que nous avons l’habitude de cotoyer. Le lecteur pourra ensuite les retrouver avec un regard déformé par Mélanie Fazi, enchantant ces espaces d’une pointe fantastique.
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