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dimanche 22 mai 2016

Ombre de l’Oiseau Lyre (L')..........d'Andrés Ibañez

Titre : L’Ombre de l’Oiseau Lyre
Auteur espagnol : Andrés Ibañez
Première édition en 2003
Catégorie : roman mêlant du merveilleux, du fantastique et de la science-fiction
532 pages

Photo du livre

Adénar est prince ; il vit sur la planète Glabris dans un univers assez étrange puisque s’y côtoient des animaux doués de parole, des tapis volants, des dragons ou encore des sorciers. Rien d’étonnant à cela puisque le narrateur nous rappelle sans cesse que nous sommes dans « le conte ». Ne vous étonnez donc pas non plus lorsque vous verrez que les personnages ne connaissent pas l’écriture. Ils ont une méthode bien plus efficace pour retenir ce qui est nécessaire : ils ferment leurs yeux et vont dans leur mémoire, qui se présente comme une sorte de palais dans laquelle on peut stocker des souvenirs.

Tout semble merveilleux dans ce monde. Sauf que le malheureux Adénar a perdu goût en toutes choses. Il s’ennuie de sa copine et de ses amis. Plus étrange, il ne parvient plus à aller dans sa mémoire où des insectes volants l’attaquent systématiquement. Le roi, son père, fait appel aux sorciers pour aider son fils. Verdict du sorcier Aymal : Adénar a perdu son âme, qui vit désormais dans un autre système solaire, celui de l’étoile Azzarkin.

Pour retrouver goût à la vie, Adénar doit entreprendre un voyage interplanétaire censé le mener jusqu’à son âme. Les sorciers lui fabriquent une « sphère féérique » qui le projette sur une autre planète, point d’étape indispensable à son voyage puisqu’il est censé y trouver un vaisseau spatial qui lui permettra d’atteindre le système d’Azzarkin. Le hic c’est qu’Adénar atterrit sur la mauvaise planète : « Demonia » ne possède pas de vaisseaux spatiaux.

Toute cette entrée en matière est toutefois chamboulée lorsqu’Adénar se rend compte sur Demonia qu’il est un personnage de conte. On rit de lui lorsqu’il se présente comme le Prince Adénar, car tout le monde a lu étant petit les aventures d’Adénar. Il est donc enfermé dans un hôpital psychiatrique où on espère qu’il retrouvera la mémoire et son bon sens. Adénar en vient lui-même à se demander si ses souvenirs sont réels.

Adénar affronte ainsi la question de son identité, tout en cherchant à s’intégrer dans cette nouvelle société dont il ne connaît au départ ni la langue ni les usages.

Ce roman nous offre un sacré mélange de genres qui fonctionne bien. Le début nous place sans équivoque dans l’univers du merveilleux, comme en témoigne l’existence de dragons et de tapis volants, ainsi que le flou complet sur l’époque à laquelle se déroule l’histoire (les personnages disent eux-mêmes qu’ils vivent dans « l’instant éternel »). Le cadre est ensuite complètement bousculé lorsqu’Adénar arrive dans la ville de Floria de la planète Demonia. On pourrait alors se croire uniquement dans le genre de la science-fiction, comme en témoigne le fait qu’on se situe dans un système connu – celui d’Alpha du Centaure – et que le fonctionnement de cette société s’avère au premier coup d’œil très rationnel. Mais voilà qu’arrivent des insectes qui parlent en secret et un palais qui semble doté du souffle vital, nous plongeons en plein fantastique.

Le roman se termine en mêlant clairement les genres, car les personnages débloquent la situation en s’appuyant sur des éléments empruntés aux trois genres. Andrés Ibañez réalise ainsi une œuvre qui puise ses forces dans chacun de ces genres, illustrant que l’un ne surpasse pas l’autre en inventivité. Il faut toutefois reconnaître que cela peut être déroutant : le lecteur ne s’attend pas à une telle évolution du cadre et peut se sentir un peu heurté. Pourtant l’auteur tente de nous prévenir au début en alternant des chapitres se passant dans le pays merveilleux du Prince Adénar et des chapitres se passant dans la ville de Floria. Mais pour ma part j’avais justement du mal à imaginer que les deux histoires allaient se rejoindre, ce qui arrive assez vite.

Je regrette une forme d’abandon des personnages. Celui d’Adénar est vraiment très creusé ; on se passionne vraiment pour son destin et c’est ce qui fait la force de ce roman. Mais pour les autres personnages c’est la frustration : ceux d'Ana Sofìa et de Mirmidón Aguanópulos, qui constituent d’une certaine façon la famille adoptive d’Adénar à Floria, sont esquissés et semblent intéressants ; on aimerait donc en savoir plus, mais non. Le pire étant le personnage fantasque de Victor Braunsfeld, un jeune héritier milliardaire qui se promène partout avec son tigre : alors qu’il est presque un personnage concurrent d'Adénar en termes de temps de récit au début du roman, il n'est plus vraiment utile à la fin si ce n’est pour financer les projets des autres.

Notons également une pointe antireligieuse, car les personnages devront finalement réussir à sortir de l’enlisement de leur société en allant à l’encontre d’une pratique religieuse ancestrale. La religion nous est présentée comme un voile qui nous cache la compréhension du monde, et qu’il nous faut donc ôter pour avancer.

Enfin, on ne peut que regretter les dernières pages de ce roman. On s’attend à trouver un autre chapitre après la dernière page, mais rien. C’est à se demander si Andrés Ibañez n’a pas abandonné l’écriture ou la publication d’un second tome, car le style même de cette fin laisse à penser qu’on va bientôt lire la suite. Toutefois je dois reconnaître que s’il y avait effectivement eu un second tome, j’aurais dit de ce premier volume qu’il peut se suffire à lui-même. Je n’aurais pas eu cette frustration si les dernières pages n’installaient pas le sentiment d’une suite.

mon impression

Il s’agit globalement d’un bon roman. Le tableau que je dresse ci-dessus peut sembler en partie assassin car il y a beaucoup d’éléments distincts les uns des autres qui sont critiquables, mais le roman possède quelques grandes qualités qui font oublier ses défauts : on se passionne pour le destin du personnage d’Adénar, qui est par ailleurs assez touchant du fait de sa naïveté mêlée à une forme de bonté. Il me rappelle un peu le personnage du Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry. L’autre grande qualité de ce roman est à mon sens l’originalité de la société dépeinte sur la planète Demonia : l’auteur nous présente un univers intrigant dont on a peine à soupçonner toute la richesse. Ce n’est qu’avec le déploiement complet de l’intrigue que nous découvrons tout ce qui est à l’œuvre dans la ville de Floria.

Constats positifs qui resteront donc entachés par une fin qui appelle une suite, et des personnages qui pourraient être davantage creusés.

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