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vendredi 13 mai 2016

Cookie Monster..........de Vernor Vinge

Titre : Cookie Monster
Auteur américain : Vernor Vinge
Première édition en 2003
Catégorie : novella de hard SF
101 pages

Photo du livre

Dixie Mae termine sa première semaine au sein du grand parc d’activités de l'entreprise LotsaTech . Elle a été recrutée pour un travail de service après-vente, ce qui représente un véritable espoir pour elle qui ne cesse d’enchaîner les petits boulots. Elle se tient donc à carreau pour conserver son poste le plus longtemps possible. Mais au moment d’aller à la cantine, Dixie Mae reçoit un mail étrange d’un client. Il y est fait mention d’un secret d’enfance que personne d’autre qu’elle n’est censé connaître. Intriguée, elle décide de se laisser guider par ce mail qui l'invite à se rendre dans un autre bâtiment du parc d’activités.

Accompagnée de son collègue Victor, Dixie Mae découvre alors une équipe chargée de corriger les copies des élèves du PDG de LotsaTech. Parmi ces correcteurs, Ellen, une connaissance de Victor.


// Attention, la suite de l'article dévoile un point clé de l’intrigue, indispensable à évoquer si l'on souhaite un tant soit peu approfondir une opinion sur cette novella. //

En discutant tous les trois, Dixie Mae, Victor et Ellen constatent leur désaccord sur le jour du calendrier. Dixie Mae et Victor citent en effet une date en décalage d’une semaine par rapport à celle mentionnée par Ellen. Leurs connaissances des travaux du PDG de LotsaTech et leurs constats sur ce bug de calendrier leur font prendre conscience qu’ils ne sont que des copies numériques en train de travailler au sein d’une simulation informatique. Autrement dit, ils n’ont plus de corps humain : leurs corps d’origine continuent probablement à vivre dans le monde réel, sans savoir que leurs esprits ont été copiés et insérés dans un univers virtuel.

Tout a été programmé pour qu’ils soient les plus productifs possible. Ainsi le groupe qui travaille au SAV, dont Dixie Mae et Victor font partie, sont chaque lundi persuadés qu’il s’agit de leur première semaine de travail, et qu’il faut donc se montrer zélé pour satisfaire la hiérarchie. Ellen travaille au contraire sur des cycles d’une journée. A chaque fin de cycle, ils sont rebootés.

Ils prennent ainsi conscience qu’à la fin de cette journée, ils seront tous les trois rebootés. Il leur faut donc vite en découvrir davantage. Seule piste à suivre : ce mystérieux mail dont Dixie Mae ne connaît toujours pas l’auteur, et qui leur a déjà permis de rencontrer Ellen. Le mail semble cacher d’autres pistes, que nos trois personnages vont décider de suivre, avec l’espoir d’obtenir des réponses et de se libérer de cet esclavage.

L’idée de base est excellente, puisqu’elle souligne une nouvelle forme d’esclavage qui serait possible si les copies numériques pouvaient effectivement voir le jour. La question de l’éthique et de la légalité d’une telle chose n’est pas tellement discutée dans la novella, mais on pourrait tout à fait pousser la réflexion. Imaginez le débat : le PDG de LotsaTech, interrogé devant un tribunal, qui se défendrait en disant qu’il ne s’agit pas de personnes humaines, juste de leurs copies, et qu’il ne leur occasionne aucune souffrance, aussi bien sur le plan physique que psychologique. Et de fait, si Dixie Mae n’était jamais sortie de son bâtiment, elle n’aurait jamais découvert la vérité, et n’en aurait donc pas souffert. On en arrive alors à un autre débat, assez proche de celui proposé par Matrix : vaut-il mieux vivre dans l’ignorance de son statut de prisonnier, et bénéficier du confort de l’illusion, ou au contraire connaître la vérité et en souffrir ? Dans Matrix, les personnages bénéficient au moins d’une forme de libre-arbitre au sein de la matrice, et vivent une vie complète. Ici Dixie Mae vit chaque semaine dans l’illusion de construire quelque chose qui a du sens pour sa vie, mais qui est en réalité inutile. C’est bien le problème éthique fondamental de la condition de Dixie Mae : elle base ses actions sur une logique qui ne tient plus debout une fois la vérité découverte. Si elle n’était pas rebootée, elle pourrait au moins construire des liens avec ses collègues de travail, tout comme un prisonnier sympathise avec ceux qui partagent sa cellule. Mais même sa sociabilité est bidon.

J’aurais ainsi aimé que Vernor Vinge pousse la réflexion sur ce plan éthique. Par ailleurs les personnages s’intéressent dans le fond assez peu à leur condition. Ils suivent un peu aveuglément le mail reçu par Dixie Mae, sans se demander ce qu’ils veulent réellement. L’idée de vengeance apparaît par moment. On apprend également qu’une copie numérique ne peut réintégrer un corps humain. Mais dans ce cas, quel horizon pour Dixie Mae et ses amis ? Ils ne se posent jamais cette question pourtant fondamentale.

C’est donc une novella avec les défauts et les avantages fréquents de la hard SF : les idées de base sont excellentes, mais les conséquences sociétales et le débat philosophique n’est pas approfondi. L’auteur joue avec une idée, sans en exploiter ses conséquences sur le plan humain.

Les personnages manquent par ailleurs de profondeur et de crédibilité. J’ai notamment trouvé qu’ils acceptaient beaucoup trop facilement leur condition de copie numérique, alors qu’ils soulignent eux-mêmes que le développement de cette technologie était considéré comme impossible.

Enfin j’ai regretté que le suspens soit cassé assez vite. Cela aurait été pas mal que leur condition de copie numérique soit découverte plus tardivement, ou qu’elle fasse débat. La fin s’est par ailleurs révélée assez prévisible.

mon impression

Une novella aux idées excellentes, qui m’a rappelé la lecture de Greg Egan. J’aurais cependant aimé que soit développé le débat éthique, et que la psychologie des personnages soit plus poussée. Ma lecture est restée toutefois agréable et stimulée par les idées originales de Vernor Vinge.

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