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samedi 22 avril 2017

Semailles humaines..........un recueil de nouvelles de James Blish

Titre : Semailles humaines
Auteur américain : James Blish
Première édition en 1957
Catégorie : recueil de nouvelles de science-fiction (de type space et planet opera)
331 pages

Photo du livre

L’homme tel qu’il existe aujourd’hui ne pourra pas coloniser l’univers : les planètes habitables sont rares, et vivre sous un dôme est à la fois trop coûteux et peu enviable. Voilà le présupposé qui amène James Blish à imaginer une autre stratégie de colonisation de l’univers : la “pantropie”, c’est-à-dire l’adaptation de l’homme à des écosystèmes différents.

Je préfère vous prévenir tout de suite : il n’est pas question d’avaler une pilule pour s’adapter temporairement à une planète, avant de pouvoir revenir tranquillement chez soi ; il ne s’agit pas non plus d’une intervention chirurgicale destinée à vous rajouter des antennes et une trompe. Non, il s’agit plutôt d’une technique de clonage, amenant à modifier l’homme au stade de la fécondation. Inutile donc de vous dire qu’aucun retour en arrière n’est possible : vous naissez modifié et le restez.

Ce livre se présente comme un recueil de nouvelles, nous permettant de découvrir à travers quatre histoires le développement de ce concept : de la première colonie d’hommes adaptés dans un futur proche, à sa généralisation dans tout l’univers, sans doute plusieures centaines de milliers d’années plus tard.

Tout d’abord, voici quelques mots sur chacune de ces nouvelles :

  • “Livre premier : le programme”. James Blish nous fait découvrir ici comment le programme de pantropie est né de façon tout à fait illégale, en allant à l’encontre d’un système économique basé essentiellement sur les transports. Le lecteur va ainsi à la rencontre de la première colonie d’hommes adaptés, basée sur un satellite de Jupiter, Ganymède, qui vit avec la crainte d’une attaque terrienne.

  • “Livre second : Tellura”. Dans un futur beaucoup plus lointain, on suit des hommes qui ont été adaptés pour vivre en haut des arbres, presque comme des singes. Il n’est pas question pour eux de descendre au sol, qu’ils estiment hostile (ils disent ainsi vivre au paradis, et qualifient le monde d’en bas d’enfer). L’histoire raconte d’ailleurs que leurs créateurs, des géants, les auraient autrefois déposés ici, dans les branches, en exigeant d’eux qu’ils de descendent jamais en bas. Aux yeux d’Honath, il ne s’agit là que d’une fable ridicule, et il ne se gêne pas pour l’affirmer haut et fort, s’attirant ainsi des accusations d’hérésie. Pour leurs propos, lui et ses amis sont même condamnés à descendre de force en bas des arbres, tout droit en enfer. Une marche qui va se révéler être un cheminement initiatique, à la découverte de leur monde et de leur identité.

  • “Livre troisième : Hydrot”. Une nouvelle qui est une merveille d’imagination, et qui se tient à la frontière du conte. Ici les hommes ont été réduits à une taille ridiculement petite (2 mm) pour pouvoir survivre dans une simple mare. Le lecteur suit l’histoire de ce peuple sur plusieurs générations d’hommes, du stade initial de la survie dans un milieu dangereux (la mare est habitée par de dangereux crustacés de 2 mm de long, qui se nourrissent avec appétit de chaire humaine), jusqu’à un stade d’évolution beaucoup plus avancé, qui permet aux hommes de construire un “vaisseau” en bois pour aller découvrir le monde situé “au-delà du ciel” (ce qui revient en réalité, tout simplement, à sortir de leur flaque d’eau !).

  • “Livre quatrième : ligne de partage”. Dans cette nouvelle qui clôture le recueil, l’univers est désormais habité depuis très longtemps par une multitude de catégories d’hommes adaptés. Manière pour James Blish de nous montrer que la pantropie a permis à l’espèce humaine de survivre à la disparition de son milieu initial (la Terre telle que nous la connaissons aujourd’hui n’existant plus depuis longtemps). Manière aussi de nous montrer que la pantropie peut nous mener à un fléau que nous connaissons bien : le racisme. Le lecteur suit ainsi un vaisseau spatial, en route pour aller ensemencer une vieille planète déserte (la Terre !). Mais durant le voyage la tension monte entre d’un côté les membres d’équipages qui estiment appartenir à l’espèce humaine originelle, et de l’autre ceux issus de formes adaptées.

J’ai trouvé cette idée de pantropie très originale, d’autant que je ne l’avais jamais rencontrée jusqu’ici, du moins jamais comme un système complet, qui modifie tout le destin de l’humanité. Un bon point donc pour cette originalité, qui m’a permis de comprendre par ailleurs que tous les autres planet et space operas partent tous d’un présupposé : pour conquérir l’univers, l’homme devra inventer un moyen de transport ultra-rapide, tel le vaisseau spatial qui voyage à la vitesse de la lumière, ou qui est capable d’aller dans un infra-espace, telles aussi toutes ces fictions basées sur des systèmes de portes qui nous déplacent d’un point à un autre de l’univers en une fraction de secondes. James Blish, lui, répond au problème autrement : plutôt que d’aller chercher la planète habitable, on adapte l’homme à des planètes situées à proximité.

Au début j’ai trouvé cela tiré par les cheveux : qui aurait envie d’adapter l’homme ? Et finalement, plus j’ai progressé dans ma lecture, plus j’ai trouvé cela crédible. Car dans le fond, James Blish nous montre à la perfection que la race actuelle de l’homme est vouée à disparaître : tôt ou tard la Terre deviendra inhabitable, et trouver une planète identique à la nôtre, accessible facilement qui plus est, relève de l’impossible. Donc pour sauver l’homme, en tant qu’espèce, il faut l’adapter à des planètes qui sont pour lui inhabitables à l’heure actuelle.

Notez toutefois que les planètes ciblées abritent déjà la vie. Car par adaptation, James Blish entend le fait de permettre à l’homme de respirer, boire et manger, dans un écosystème différent de celui de la Terre (et non pas de permettre à l’homme de se nourrir de minéraux et de lave !). La nécessité d’un écosystème préalable n’est pas neutre, et j’ai justement trouvé étrange que James Blish parte du présupposé que de telles planètes existent si facilement. A titre d’exemple sa première nouvelle se déroule sur Ganymède, un satellite de Jupiter, qui abrite, imagine-t-il, un écosystème vivant à - 135 degré ! N’oublions pas qu’il écrit cela dans les années 1950, ce qui l’excuse un peu.

J’ai quoi qu’il en soit trouvé curieux qu’il n’essaye pas de justifier l’existence de ces écosystèmes différents du nôtre. Il n’hésite en effet pas à s’étaler en considérations scientifiques lorsqu’il s’agit d’expliquer comment chaque adaptation de l’homme est faite. On s’attendrait donc à ce qu’il fasse de même pour nous expliquer l’existence des conditions préalables à la vie.

Au delà de l’originalité du concept, j’ai plutôt apprécié ce recueil. On y trouve globalement des nouvelles de bonne qualité, qui arrivent à la fois à exposer le concept de pantropie, tout en parvenant à créer une tension qui nous donne envie de tourner les pages.

Je reprocherai tout de même quelques défauts : James Blish a tendance parfois à se perdre dans des considérations scientifiques (il est zoologue de formation), au point d’en oublier dans ces moments-là la crédibilité de l’histoire et des dialogues. Mais il ne s’agit heureusement pas d’un problème qui imprègne l’ensemble de l’oeuvre : seuls quelques passages sont un peu ratés. Je pense notamment à la première nouvelle, qui m’a un peu barbé par moment, ainsi qu’à l’introduction de la troisième, dans laquelle des hommes, pourtant sur le point de mourir, sont tranquillement en train de réfléchir à la manière dont ils vont ensemencer ce nouveau monde. Et je pense également à la dernière nouvelle, qui tient plus du propos que du réel exercice littéraire ; et c’est bien dommage car on n’attend pas cela d’un écrivain.

Mais encore une fois, je pense qu’il faut passer outre, car le gros de l’oeuvre est préservé. Je tiens par ailleurs à préciser que James Blish ne tombe pas dans le travers de certains scientifiques auteurs de science-fiction : loin de se contenter d’imaginer le volet biologique de ces hommes adaptés, James Blish s’est attaché à penser l’aspect anthropologique des choses, et ce de façon très subtile et légère, sans être descriptif. Chacun des peuples qu’il crée est ainsi doté d’une culture et de mythes fondateurs, qui donnent une certaine crédibilité aux différentes nouvelles, et permettent de nous montrer comment ces hommes adaptés envisagent leurs origines, eux qui n’ont pas compris qu’ils descendaient d’une autre espèce d’hommes.

Un recueil que je vous recommande, et qui malgré son époque d’écriture reste très original. C’est même curieux que cela n’ait pas davantage inspiré les textes de science-fiction ultérieurs.

mon impression

Roman disponible aux éditions Gallimard, dans la collection Folio SF

5 commentaires:

  1. Allez vendu pour ma part. J'aime beaucoup ce concept original entourant la pantropie, et 4 nouvelles (bonnes) dédiées au sujet me tentent bien.
    Je garde quand même en mémoire tes réserves.
    Merci

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  2. Sympa et original. Si je tombe dessus je le prendrai :)

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    1. Et il est encore en vente en neuf, donc il se trouve sans trop de difficultés.A+

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    2. Les vieilleries j'aime bien les avoir d'occasion, lorsqu'elles sentent le vieux et qu'elles ont tourné. Je n'ai pas de scrupules puisque l'auteur n'a plus besoin de manger :)

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