Titre : Le Chant de Kali
Auteur américain : Dan Simmons
Première édition en 1985
Catégorie : horreur
373 pages
Depuis huit ans le poète indien Das n’a pas donné signe de vie. Il est donc considéré comme mort. Pourtant, de mystérieux manuscrits qu’il aurait écrits récemment sont mis au jour. L’Américain Robert Luczak est missionné par une revue littéraire pour se rendre à Calcutta les chercher en vue d’une publication.
Accompagné de son épouse et de sa fille en bas âge, Robert Luczak vit avec horreur sa rencontre avec Calcutta : tout l’écœure au plus haut point, tant la saleté, que les odeurs et la pauvreté.
Robert Luczak ne souhaite pas se contenter du manuscrit : il désire l’authentifier et rencontrer Das, dont il n’a pas encore eu signe de vie. Cette exigence, refusée dans un premier temps par ses interlocuteurs indiens, va l’amener à maintes pérégrinations et rencontres effrayantes. Il se sentira rapidement empêtré dans un curieux manège, qui porte la diabolique marque des Kapalikas, gang religieux connu pour ses pratiques extrêmes, telles que le sacrifice humain.
En ouvrant ce livre, vous allez vivre heure par heure cette plongée en enfer, qui va rapidement faire regretter à Robert Luczak d’être venu à Calcutta accompagné de son épouse et de sa fille.
Envie d’aller visiter l’Inde ? Alors surtout, ne lisez jamais Le Chant de Kali ! Véritable guide anti-touristique, ce roman nous présente Calcutta uniquement sous ses mauvais aspects. Il nous donne l’impression qu’il est impossible de marcher à Calcutta sans être assailli par une horde de mendiants, sans voir quelqu’un déféquer en pleine rue et sans risquer sa vie. La mission initiale de Robert Luczak devait pourtant l’amener à rencontrer uniquement le milieu intellectuel, mais le sort en décide autrement, nous montrant au contraire les dessous de Calcutta.
Si le choix de montrer ainsi Calcutta est discutable, la façon de le faire est excellente : Dan Simmons nous décrit cette ville avec une grande intensité, parvenant à nous plonger dans son atmosphère sans pour autant nous ennuyer dans de longues descriptions. Dan Simmons profite en fait de scènes d’action (telles que des déplacements vers un rendez-vous inquiétant ou une course poursuite) pour nous dépeindre la ville, ce qui explique qu’on absorbe autant de descriptions en toute facilité.
Dépeindre Calcutta de manière aussi négative ne peut que poser question. Cette ville est-elle réellement aussi horrible ? Les quelques descriptions qu’on en trouve ici ou là semblent indiquer que ce n’est effectivement pas le paradis des vacanciers. Toutefois, je trouve que Dan Simmons va plus loin, en rejetant la ville dans sa totalité. Et il la rejette en tant que produit d’une culture, ce qui est plutôt gênant, car indirectement c’est la culture indienne qu’il accuse, frisant ainsi avec le racisme. Chose assez intéressante, Dan Simmons a cherché à justifier son regard, via un dialogue entre un intellectuel indien, dénommé Chatterjee, Robert Luczak et son épouse Amrita :
Chaterjee demande à Robert Luczak ce qu’il pense de Calcutta. Celui-ci se voit rapidement obligé d’admettre qu’il l’exècre. Chatterjee défend alors sa ville en disant qu’elle ne ressemble ni plus ni moins qu’au Londres de la fin du XIXe siècle. Et c’est là qu’Amrita intervient pour dire que le niveau de développement économique ne justifie pas tout, et que la culture même de l’Inde amène ses habitants à être racistes, à faire des choses insensées et à ne pas secourir une personne en danger. Autrement dit, il ne faut pas tout accepter au nom du respect des différences culturelles. Je partage entièrement la conclusion de ce discours, mais les exemples cités par Amrita laissent à penser que Dan Simmons rejette absolument tout de la culture indienne, mettant la sienne bien au-dessus. Il y a donc une certaine extrémité que je suis loin de partager.
Néanmoins, je souhaite insister sur le fait que ce dégoût de Calcutta n’a absolument pas gâché ma lecture. Se confronter à un point de vue différent du sien n’est pas forcément gênant, surtout lorsqu’il est richement dépeint. Par ailleurs, si je me permets de souligner ici la touche de racisme de Dan Simmons, c’est parce qu’il s’agit d’une accusation qui lui a souvent été faite. Sans cela je serais certainement resté plus prudent.
Quant à l’histoire en tant que telle, j’ai trouvé ses bases extrêmement bien mises en place, et ai bien ressenti la montée de tension au fil du roman. La fin m’a toutefois assez déçu : Dan Simmons part plus ou moins en hors sujet et beaucoup d’interrogations ne sont pas levées, ce qui m’a un peu chagriné.
Pour votre complète information, apprenez que le poète Das a bien existé (mais selon ma recherche rapide, il n’a ni disparu ni ressuscité : il est simplement mort suite à un accident). M’y connaissant assez mal en poésie, et absolument pas en littérature indienne, je suis quasiment certain d’avoir manqué dans ma lecture une sorte d’hommage à Das et à Tagore (autre poète indien très populaire, dont Das s’est inspiré). Les lecteurs plus instruits que moi sur la poésie indienne auront donc une lecture différente de la mienne.
Le Chant de Kali est le premier roman de Dan Simmons. Bien que la fin m’ait laissé perplexe, je l’ai trouvé excellemment bien réussi. Vous trouverez peut-être cette conclusion étrange, car j’ai soulevé plus haut ma gêne face au point de vue de Dan Simmons sur Calcutta et l’Inde. Certes, elle est réelle. Mais elle n’empêche pas un voyage littéraire d’une grande richesse et plein d’étonnement. La tension permanente qui habite chaque page nous amène par ailleurs à dévorer ce livre à toute vitesse (je l’ai lu en trois jours, ce qui ne m’était pas arrivé depuis des mois).
Voilà donc un roman que je vous recommande chaudement, et qui me donne fortement envie de découvrir le reste de l’œuvre de Dan Simmons et notamment Hypérion dont les louanges ont largement attisé ma curiosité.
Roman disponible dans la collection Folio SF de chez Gallimard
Je ne savais pas que c'était son premier roman. Je l'ai lu assez récemment et j'ai eu à peu près le même ressenti : Dan Simmons a une plume marquante, j'ai dévoré ce livre mais vraiment, les idées que véhiculent le Chant de Kali sont tellement extrémistes qu'elles m'ont mises mal à l'aise (j'étais pourtant prévenue des opinions politiques de l'auteur... mais elles ne transparaissent pas tant dans les Cantos !).
RépondreSupprimerOui... Et il paraît que dans Flashback c'est encore plus criant. Dommage en en effet pour une plume de cette qualité.
SupprimerJe découvre Dan simmons avec Hypérion, et je ne suis pas déçue de l'auteur. Du coup j'ai une réelle envie d'aller davantage explorer son registre. Le chant de Kali sera un our ou l'autre au rendez-vous vu que ta critique y trouve vraiment du bon. Surtout pour un premier roman.
RépondreSupprimerMerci
Oui n'hésite pas ! J'étais vendredi à un café littéraire dédié à Dan Simmons, où une grande partie de ses bouquins ont été présentés. Cela m'a permis de voir qu'il n'a pas écrit un bouquin identique ; il s'attaque à beaucoup de thématiques différentes. Ma prochaine lecture de cet auteur sera probablement Hypérion.
Supprimerje vais finir le fameux Hyperion!
Supprimerje vais finir le fameux Hyperion!
RépondreSupprimerJe ne sais pas comment je me suis débrouiller pour me planter de connexion...
^^ Je me demandais qui était cette nouvelle personne. Bonne lecture pour la suite d'Hyperion.
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