Titre : Beloved
Auteure américaine : Toni Morrison
Première édition en 1987
Catégorie : roman fantastique
380 pages
Sethe n’en pouvait plus de l’esclavage. Se faire flageller fut déjà dur à supporter. Mais savoir que ses enfants seraient probablement vendus ici et là, qu’elle ne les verrait pas grandir, fut encore plus intolérable. Sethe s’est donc enfuie avec ses petits pour s’installer chez sa belle-mère affranchie.
Ils ont alors goûté à leurs premiers mois de liberté. Quel bonheur pour Sethe de savoir que ses enfants ne connaîtraient pas les humiliations et les souffrances qu’elle a endurées.
Le jour où Sethe a donc entendu son ancien maître arriver avec le chasseur de primes, c’en fut trop pour elle : pas question que ses enfants perdent cette si précieuse liberté. Mieux vaut la mort que cette vie d’esclave. Lorsque Sethe a pris la scie pour égorger l’une de ses filles, c’est donc l’instinct qui s’est exprimé.
De nombreuses années plus tard, Sethe vit encore dans cette maison, hantée par le fantôme de sa fille. Lorsque Paul D, ancien compagnon de son mari, débarque chez elle, et décide de s’y installer, le fantôme disparaît brusquement. Disparition qui coïncide mystérieusement avec l’arrivée d’une jeune fille sans mémoire, dénommée Beloved, que Sethe décide d’accueillir quelques temps dans sa maison.
L’histoire prend place après la guerre de sécession. Soit une époque en plein bouleversement sur la question du statut des noirs et de l’esclavage. La fin de la guerre n’implique par ailleurs pas un basculement immédiat des mentalités : les noirs, surtout dans les ex-États confédérés, sont encore largement considérés comme des sous-hommes.
Beloved nous immerge à la perfection dans l’atmosphère de l’époque. On y découvre les différents points de vue des blancs : ceux favorables à l’esclavage, partagés entre les bons maîtres et les rudes ; ceux qui au contraire s’y opposent sous quelque forme que ce soit. Surtout, Beloved nous montre ce que signifie être un noir, et penser comme un noir à cette époque. L’effet est saisissant : outre le récit de leurs vies de douleur, on est également frappé par le point de vue des noirs sur eux-mêmes. Car ils sont nombreux, comme Paul D, à se croire réellement inférieurs aux blancs. Et pour cause : privés d’enseignement ces esclaves ne savent pas lire, et pas non plus compter. Confrontés au quotidien à ces blancs qui usent de compétences qu’ils n’ont pu acquérir, comment dès lors se rendre compte qu’ils naissent en réalité avec les mêmes facultés intellectuelles ?
L’histoire est d’une grande simplicité. Il ne faut pas s’attendre à de multiples péripéties, et encore moins à du suspens. Lire Beloved c’est avant tout s’immerger progressivement dans la psychologie des différents personnages, intrinsèquement liée au contexte historique de l’époque : le regard de Sethe sur ce meurtre, qu’elle voit comme un acte de protection et non pas comme un crime ; le regard de sa deuxième fille encore vivante – Denver – qui a grandi dans cette maison hantée et se sent maintenant jalouse de cette Beloved qui sort de nulle part ; le regard de Paul D qui n’a pas connaissance de ce malheureux épisode, ne voyant en Sethe que la jeune femme qu’il a jadis connue ; le regard enfin des noirs qui habitent les environs, qui ont vu le drame se produire, et ont donc connu un avant et un après.
Un roman d’une grande beauté, qui aborde des sujets graves : endurer l’esclavage, le refuser, protéger ses enfants, vivre avec la culpabilité. Toni Morrison nous propose une plongée dans les sentiments de personnages profonds, qui nous montre comment les horreurs de la vie peuvent autant façonner une manière de vivre et de penser.
Beloved a reçu en 1988 le prix Pulitzer. Toni Morrison a par la suite été distinguée en 1993 par le prix nobel de littérature pour l’ensemble de son oeuvre. Ce roman m’apparaît incontournable sur la question de l’esclavage et des sentiments familiaux. C’est donc sans le moindre doute que je vous le recommande. Je préfère néanmoins vous prévenir qu’il s’agit d’un roman au rythme lent, qui se concentre avant tout sur la psychologie des personnages.
Roman disponible aux éditions 10 /18 et Christian Bourgois. La page de couverture qui illustre mon article provient quant à elle de la version éditée par la maison espagnole DeBolsillo.
Vendu!
RépondreSupprimerSurtout pour tes impressions bien que le sujet post guerre de sécession US n'est pas courant - du moins dans mes lectures.
Merci
Cool ! On verra ce que t'en penses. L'époque de la guerre Sécession n'est en effet pas courant en SFFF. Ici on frise avec la littérature blanche, ce qui explique sans doute cette exception.
SupprimerIl y a quelques années j'avais toutefois lu "Julian" de Robert Charles Wilson, qui se passe dans un univers assez steampunk, bien que ça se passe dans le futur aux USA. Dans ce bouquin on a des combats et une armée qui s'apparentent exactement à la guerre de sécession. Un roman que j'avais d'ailleurs beaucoup aimé, bien que Wilson ait reçu beaucoup de critiques négatives pour ce bouquin.
Je compte lire également Julian de Wilson. Que reproche-t-on au bouquin ?
RépondreSupprimerLe roman est raconté à travers les yeux d'un garçon un peu benêt par moment : Adam. Adam est issu de la classe populaire, ce qui explique son langage un peu simple et son manque de connaissances (il faut s'imaginer les connaissances d'un garçon de ferme du XIXème siècle). Adam nous décrit l'histoire de son ami Julian, qui lui au contraire est issu de l'aristocratie (fils de l'ancien président assassiné).
SupprimerPour ma part le côté benêt d'Adam, qui certes transparaît dans l'écriture, ne m'a pas gêné. J'ai au contraire trouvé cela crédible et original. Sans compter que l'histoire est excellente ! Par contre, moi qui suis un grand fan de Robert Charles Wilson, je préfère prévenir : ce bouquin est un ovni, qui ne ressemble vraiment pas au reste de ses bouquins.