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samedi 23 mai 2020

Bienvenue à Sturkeyville..........un recueil de nouvelles de Bob Leman

Titre : Bienvenue à Sturkeyville
Auteur américain : Bob Leman
Première édition du recueil en 2019
(les nouvelles datent des années 1970-80)
Catégorie : recueil de nouvelles fantastiques
208 pages

Photo du livre

Fait rare sur ce blog, je vous y parle aujourd’hui de littérature fantastique. Bienvenue à Sturkeyville est un recueil de six nouvelles de Bob Leman, écrites de la fin des années 1970 à la fin des années 1980. Comme l’explique l’éditeur en préface, cet auteur est méconnu, ce qui s’explique en grande partie par le faible nombre de publications à son actif (seulement quinze nouvelles et, surtout, aucun roman, ce qui est rédhibitoire en littérature pour se faire connaître). Sur les six nouvelles présentées dans ce recueil, quatre avaient déjà été publiées dans la revue française Fiction. Toutes s’y déroulent dans le même comté, celui de Sturkeyville.

Après avoir découvert par hasard l’existence de ces textes, les éditions Scylla ont retrouvé les deux nouvelles inédites et décidé de les traduire. Bienvenue à Sturkeyville est donc un recueil qui présente deux nouvelles jamais éditées en France.

S’il arrive parfois en littérature que le doute plane sur la réalité des manifestations fantastiques qui nous sont contées (Mais n’y a-t-il pas dans le fond une explication logique à tous ces faits mystérieux ?!), dans Bienvenue à Sturkeyville le lecteur sait qu’il nage en plein surnaturel dès le début de chaque nouvelle. Seule la nouvelle “Les Créatures du lac” laisse planer le doute au départ ; mais le lecteur n’est pas dupe, au regard des autres textes du recueil.

Un ver géant qui remplace une mère, un vampire en quête de ses origines, un riche héritier obligé d’épouser un monstre, deux réalités parallèles de Sturkeyville… le fantastique de Bob Leman est avant tout ancré dans une lecture sociale de la réalité. La sociologie des personnages est toujours fondamentale dans l’intrigue des différentes nouvelles. La psychologie aussi, mais souvent comme une résultante sociale.

J’ai apprécié “La Quête de Clifford M.”, qui met en scène un vampire arraché à sa famille étant petit et qui consacre sa vie et sa fortune à trouver la trace d’autres vampires. Au bout de cette quête, il y a une déception, qui renvoie à la dure réalité de l’éloignement social qui se creuse année après année entre nous et notre milieu d’origine.

La nouvelle “Loob” est également excellente et elle saura par ailleurs charmer les lecteurs qui préfèrent la science-fiction au fantastique, car elle se situe à la frontière des deux genres. Le personnage principal est persuadé de vivre dans un autre Sturkeyville que celui qui l’a vu naître. Selon lui, ces modifications du réel auraient été provoquées par un enfant qui présente des déficiences mentales, qui lui valent depuis tout petit des maltraitances par son entourage.

Enfin, je tiens aussi à souligner la nouvelle “Viens là où mon amour repose et rêve”, qui me rappelle beaucoup “Les mille rêves de Stellavista” de J.G. Ballard (in Vermilion Sands). J.G. Ballard y mettait en scène une maison psychotropique, capable de s’imprégner de l’humeur de ses occupants et d’adapter son architecture en conséquence. Tandis que J.G. Ballard l’expliquait par un cadre de science-fiction (cette maison avait été conçue pour cela), Bob Leman choisit quant à lui de ne pas s’encombrer d’explication scientifique : la maison qu’il imagine est devenue psychotropique par la force de son vécu ; elle suinte l’amour des derniers habitants qu’elle a abrités. Cette nouvelle est très belle et très psychologique.

Je vous recommande donc vivement la lecture de ces nouvelles. Pour vous faire une idée plus précise de ce recueil, vous trouverez ci-dessous un récapitulatif des intrigues de chaque nouvelle.

  • “La Saison du ver” : Lorsque Lawson était enfant, sa mère fut tuée par un ver géant sorti des profondeurs de la cave. Ce ver s’était ensuite métamorphosé, prenant l’apparence de sa mère. Capable d’exercer un contrôle mental sur les humains, le ver avait empêché Lawson et son père de s’enfuir, bien qu’ils soient terrorisés. Le père tenta un jour de s’évader, mais cela lui fut fatal ; il fut assassiné à son tour. Lawson resta alors seul avec le ver, qui changea à nouveau d’apparence : désormais il ne serait plus sa mère, mais son épouse.

  • “La Quête de Clifford M.” : Clifford M. est un vampire, aussi gentleman que le comte Dracula pouvait l’être. Étant bébé, il s’est fait capturer par un chasseur. Il a grandi loin des siens et n’a jamais recroisé de vampire. Cela devient alors l’obsession de sa vie : trouver d’autres vampires pour mieux se connaître lui-même. Devenu riche, il consacre sa fortune à cette quête. Il pourrait bien être déçu de l’issue de ses recherches...

  • “Les Créatures du lac” : Depuis son enfance, son oncle lui raconte des histoires sur Sturkeyville. Beaucoup sont de pures fictions, il s’en doute. Parmi elles, une histoire sur une belle demeure, abandonnée, près du lac, dont leur famille a hérité. Victime d’une malédiction, l’homme qui a fait construire cette maison plus d’un siècle auparavant aurait engendré des monstres. Ceux-ci rôderaient encore dans le lac. Après des déboires affectifs, son oncle, déprimé, décide de s’enfermer dans cette demeure. En parallèle le comté connaît régulièrement des assassinats. Son oncle en serait-il responsable ?

  • “Odila” : Richard, le fils de Felicia Wagner, une vieille dame de la haute société de Sturkeyville, a annoncé son intention d’épouser Odila. Il n’y a pas pire mariage possible : Odila fait partie d’une bande de brutes consanguins qui vit depuis des siècles dans un village reculé. Quelle honte pour Felicia Wagner, quelle déchéance ! Elle missionne donc son neveu, Charles, pour aller secouer son fils et le sortir de l’emprise d’Odila. Mais Richard explique être sous le coup d’une malédiction depuis leur enfance ; il ne peut se soustraire à ce mariage. Charles décide donc de se rendre dans ce fameux village et d’y rencontrer Odila.

  • “Loob” : Tout le monde l’appelle Tom Perkins à Sturkeyville, où il gagne sa vie en faisant le ménage au Top Hat Bar and Grill. Il pourrait recevoir une allocation sociale au nom de Tom Perkins, mais il s’y refuse : car il n’est pas cet homme, il en est certain. Il sait aussi que dans son vrai monde, il est issu d’une famille riche et n’a pas de problèmes d’argent. Le Sturkeyville qu’il parcourt n’est pas le sien, mais il y est pourtant coincé. Une certitude est très vite venue : tout ceci est la faute de Loob, un gamin simple d’esprit martyrisé par sa belle-mère ; un gamin dont les crises nerveuses auraient des incidences sur le passé…

  • “Viens là où mon amour repose et rêve” : Cette maison a autrefois accueilli une famille heureuse ; elle en a gardé la trace, comme une éponge. Lorsque Knapp la visite avec l’agent immobilier, c’est immédiatement le coup de foudre. Il ressent immédiatement l’amour que cette maison est prête à lui offrir. Il n’a pas réussi encore à faire le deuil de son épouse décédée. Mais ici, il se sent bien. Il l'acquiert sans une hésitation et s’y installe avec sa fille, sa belle-mère et ses domestiques. Knapp s’y sent merveilleusement bien. La maison lui parle, le berce de son amour et matérialise même pour lui le fantôme de sa défunte épouse. Ils fuient tous – pas question pour la belle-mère de vivre dans une maison hantée – mais lui reste. Tout l’amour qu’il lui faut est ici.


Recueil édité par Scylla et disponible sur le site de la librairie du même nom.

4 commentaires:

  1. Superbe recueil, j'ai beaucoup aimé aussi toutes ces nouvelles.

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  2. Voilà un petit recueil qui a l'air top ! La nouvelle avec la maison et celle avec les mondes parallèles m'attire beaucoup. Je note le titre merci :)

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    1. Oui, n'hésite pas. En plus il est assez court (autour de 200 pages)

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