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dimanche 2 août 2020

Stalker..........un roman d'Arcadi et Boris Strougatski

Titre : Stalker - pique-nique au bord du chemin
Auteurs russes : Arcadi et Boris Strougatski
Première édition russe en 1972
Catégorie : premier contact
282 pages

Photo du livre

Quelle excellente idée de premier contact ! Dans ce roman, les extraterrestres ne nous envahissent pas, ne nous dévorent pas, et ne commercent pas avec nous. Nous – les hommes – n’allons pas non plus à leur rencontre. Pas de bataille spatiale en vue, ni de combats de rue avec des aliens. Dans Stalker, le premier contact est à la fois d’une banalité sans nom et d’une forte inventivité : les extraterrestres se sont arrêtés sur plusieurs points du globe et sont repartis, sans avoir tenté un quelconque dialogue avec les humains. Ils ont laissé derrière eux un sol contaminé et jonché d’objets témoignant d’un niveau technologique qui nous dépasse.

L’un des personnages de ce roman, le chercheur Valentin Pilman, compare cet événement à un pique-nique. En pleine forêt, on arrête notre véhicule en bordure d’une clairière, on s’installe pour manger puis on repart comme des malpropres, en laissant derrière nous quantité de déchets, allant des miettes de pain à l’écrou tombé du moteur et aux mouchoirs abandonnés. Au cours du pique-nique, nous n’avons pas fait attention à la présence de fourmis tout autour de nous. Pourtant, elles étaient bien là, et à notre départ elles explorent ce que nous avons laissé.

Dans ce roman, les hommes sont pareils à ces fourmis. Ils sont dépassés par la technologie des objets qu’ils découvrent en zone contaminée. Ils arrivent certes à en trouver des usages, parfois très impressionnants (certains objets se comportent comme des batteries aux réserves d’énergie infinies), mais pour autant, comme ils ne comprennent rien à cette technologie, il est probable qu’ils l’emploient de la mauvaise façon. “Je suis totalement convaincu que dans la plupart des cas nous enfonçons des clous avec des microscopes”, explique ainsi le chercheur Valentin Pilman. Une phrase magnifique, à ressortir en disserte de philo. Pour Pilman, il est même possible que les extraterrestres ne se soient pas aperçus de la présence d’une vie intelligente sur Terre. Leur intelligence et celle des hommes sont si éloignées, qu’aucune compréhension mutuelle et aucun dialogue ne sont possibles.

En préface, Ursula K. Le Guin souligne que nous nous sommes collectivement mis dans la tête que nous serions capables d’interagir avec n’importe quelle autre espèce intelligente. Mais c’est un préjugé, que le romancier polonais Stanislas Lem qualifie de “mythe de notre universalisme cognitif”.

On m’avait parlé de ce roman et du type de premier contact imaginé. J’avais trouvé l’idée fantastique et il me tardait de découvrir l’ensemble de l’histoire. J’y voyais une idée que Robert Charles Wilson aurait pu avoir et m’imaginais donc un scénario proche de ses romans : la société devait être fondamentalement transformée par ce premier contact, pensais-je, et j’allais découvrir des personnages très creusés, dont les parcours individuels allaient me permettre de mieux appréhender cette nouvelle Terre.

Mais j’ai été fortement déçu dans mes attentes. Car venons-en à l’histoire. Je vous ai uniquement décrit le cadre jusque-là, donc voici quelques mots sur l’intrigue.

L’histoire commence treize ans après la “visite” (moment qui désigne dans le roman le bref passage des extraterrestres). Le personnage principal, Red, est un “stalker”, ce qui signifie qu’il se rend régulièrement dans l’une des six zones contaminées sur Terre. La zone n’est pas en accès libre, à la fois parce qu’on y meurt facilement au contact des objets abandonnés, mais également parce que tous ces déchets représentent une manne financière et technologique que l’Etat veut garder sous son contrôle. Red se rend donc illégalement dans la zone, toujours au péril de sa vie. L’intrigue n’est pas bien définie et se résume globalement au parcours de vie de Red (arrivera-t-il à s’enrichir et à devenir heureux malgré son alcoolisme ?). Le personnage de Red est globalement assez détestable : c’est une épave, alcoolique et machiste. Sa psychologie est néanmoins assez crédible. Je ne dirais donc pas que le personnage soit raté, mais il faut apprécier suivre la vie de ce type de personnes, ce qui n’est pas du goût de tous les lecteurs (pour ma part, de temps en temps, c’est acceptable, car il est toujours intéressant de se confronter à des façons de penser si différentes de la sienne).

A cette intrigue mollassonne s’ajoute un machisme omniprésent et banal, qui m’a agacé à la longue. Oui le texte date de 1972, oui c’était une autre époque et d’autres moeurs. Mais j’ai lu des textes plus anciens beaucoup moins machistes. Il y a très peu de scènes dans ce roman dans lesquelles les hommes ne se font pas servir par des femmes. En quelques mots, voici à quoi ressemble la scène type de ce roman : un homme entre dans un appartement pour aller voir une connaissance à lui (un autre homme, évidemment) ; il est accueilli par une femme qui lui prend son manteau, le met à l’aise, lui amène un verre, et va préparer quelque chose à manger pendant qu’elle laisse les deux hommes à leur discussion sérieuse. C’est sans doute très réaliste et représentatif de cette époque, mais cela fait saigner les yeux. Bref, une belle pièce à conviction pour témoigner des inégalités hommes-femmes de cette époque.

En conclusion, je vous déconseille de lire ce roman. Le principe de base est excellent et peut se recaser facilement dans une discussion savante, mais en ayant lu mon article vous le connaissez désormais. Inutile d’aller plus loin car l’histoire et le personnage ne valent pas le détour.

2 commentaires:

  1. J'ai été plusieurs fois tenté de le lire mais, jamais franchis le pas. Il me semble qu'ils en ont fait un film ou une série de ce roman aussi. En tout cas, c'est un livre plutôt connu dans l'univers SF ; et au vu de ta critique, je me demande pourquoi du coup... Suivre un alcoolique machiste dans sa course à la richesse, ça vend moyen du rêve... Et surtout, j'ai l'impression du coup que cette visite des extra-terrestre et les déchets qu'ils ont laissé n'apporte pas grand chose à l'histoire.
    Bref, j'ai souvent hésité mais, j'ai plus du tout envie de le tester du coup^^

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    Réponses
    1. Oui c'est en effet une référence très citée. Je pense que son concept est très original et constitue une pierre dans l'édifice de la réflexion SF. La présence de la préface de K. Le Guin en témoigne. Mais ils sont nombreux ces bouquins de cette époque à avoir été adulé et à avoir assez mal vieillis ^^. Ceci-dit, sur twitter beaucoup de gens m'ont dit l'avoir apprécié. A toi de voir.

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