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vendredi 8 juillet 2016

Silence de la Cité (Le)..........d'Elisabeth Vonarburg

Titre : Le Silence de la Cité
Auteure québécoise d’origine française : Elisabeth Vonarburg
Première édition en 1981
Catégorie : roman de science-fiction (post-apocalyptique)
325 pages

Photo du livre

Une plongée plusieurs siècles dans l’avenir : après des catastrophes nucléaires, le monde a connu un retour en arrière. L’humanité a oublié son savoir scientifique et retrouvé des modes de vie similaires à l’Antiquité. Bien pire, les retombées radioactives ont bouleversé la génétique, ayant pour principale conséquence un taux de natalité masculine très bas. Les femmes sont donc majoritaires, tout en étant cependant dominées par les hommes qui les tiennent en état d’esclavage.

Il subsiste pourtant sous terre les cités, vestiges de l’ancienne époque qui restent en parfait état de fonctionnement : fabriquées pour se protéger des retombées radioactives, y vivent encore quelques humains, et surtout un grand nombre de robots qui assurent la maintenance et qui préservent le savoir des temps anciens.

Dans l’une de ces cités, Elisa vient de naître : fruit de manipulations génétiques, elle incarne le projet de Paul, celui de répandre à la surface des gênes meilleurs et plus résistants.

Elisa va reprendre à son compte ce projet, mêlant son destin à celui de l’humanité. Elle espère par-dessus tout rétablir l’égalité entre les hommes et les femmes, quitte à s’inscrire en décalage avec les nouvelles façons de penser.

Pour ceux qui ont eu le plaisir de lire Chroniques du pays des mères, sachez que Le Silence de la Cité se situe dans le même univers, quelques siècles plus tôt.

Un roman qui explique le passé de Chronique du Pays des Mères

Le Silence de la Cité est le premier roman d’Elisabeth Vonarburg. Elle crée un univers qu’elle réexploite par la suite dans Chronique du Pays des Mères, dont l’histoire prend place plusieurs siècles plus tard. Les deux romans se complètent bien, même s’ils peuvent être lus indépendamment. Le fil conducteur tourne autour de cette anomalie génétique qui explique qu’il n’y ait qu’un garçon qui naisse pour quatre filles. Dans Le Silence de la Cité le lecteur assiste à une première étape historique, celle des prémices de la remise en question de la domination masculine sur les femmes. Dans Chronique du Pays des Mères, le basculement a eu lieu, ce sont les femmes qui ont le pouvoir.

J’ai beaucoup aimé lire Le Silence de la Cité. Je dois toutefois avouer que mon point de vue est influencé par Chronique du Pays des Mères : j’adule tellement ce roman, que retrouver son univers et en apprendre sur son passé ont constitué une grande motivation dans ma lecture. (Remarque : ayant lu Chronique du Pays des Mères avant la création du blog, je n’ai pas publié d’article sur ce roman pour l’instant ; mais j’envisage de le faire car il intègre sans conteste ma liste des “lectures inoubliables” !).

Dans les deux romans Elisabeth Vonarburg parvient à créer un univers d’une grande richesse. Ici j’ai notamment apprécié cette idée de faire subsister les “cités”, vestiges des grandeurs passées, aux côtés d’une nouvelle société en reconstruction. Cela oppose ainsi deux types d’hommes : d’un côté des chercheurs brillants qui contribuent à la survie de siècles de développement scientifique et technologique ; d’un autre côté des hommes qu’on croirait sortis de la Gaule antique au point qu’ils confondent les robots avec des démons.

Un personnage intéressant et attachant

On suit Elisa de sa naissance jusqu’à ses 40 ans environ. On s’attache donc fortement à elle et à son destin, d’autant plus qu’il est lié à celui de la société. Par ailleurs, le point de vue narratif étant le plus souvent rattaché à Elisa, le lecteur est d’une certaine façon éduqué en même temps qu’elle : il découvre ce monde et apprend son fonctionnement à travers ses yeux, et au même rythme, ce qui l'aide ainsi à s’identifier au personnage.

Elisa incarne une certaine sagesse : on espère que ses projets se concrétiseront et que son avis l’emportera, car elle souhaite le bien de l’humanité. Et en même temps, elle est aussi naïve : elle ne se confronte finalement pas assez à la réalité des relations humaines et aux sentiments humains. Ainsi ses plans théoriques, visant à améliorer la génétique humaine et à installer une égalité entre les sexes, buttent contre des comportements humains passionnés qui manquent de rationalité aux yeux d’Elisa. Mais l’homme est ainsi, et c’est bien ce qui le différencie du robot.

Un roman féministe

Un roman éminemment féministe, qui illustre les difficultés de mise en place de l’égalité homme-femme. Deux manières d’y parvenir se confrontent dans ce roman :

  • Par l’éducation : Elisa crée une communauté d’enfants qu’elle éduque dans le pur respect de l’égalité homme-femme. Les enfants sont même amenés à changer de sexe à plusieurs reprises jusqu’à leurs vingt ans. Une fois lâchés dans la nature, ils sont censés diffuser eux-mêmes les valeurs d’égalité de genre.

  • Par la lutte armée : Au contraire, loin de la cité, les hommes ont complètement asservi les femmes : elles sont à la fois ouvrières et objets sexuels. Être un homme est un privilège et assure une position dominante dans cette société où naît un homme pour quatre femmes en moyenne. Certaines de ces femmes ont toutefois choisi de se libérer. Elisa aimerait qu’elles acceptent la lenteur du processus de construction de l’égalité entre les sexes, mais elles exigent l’égalité maintenant, pas dans un siècle. Pour ce faire, seule la lutte armée leur semble efficace, quitte à asservir à leur tour les hommes.

Sur le long terme, il semble évident que l’égalité homme-femme n’émergera pas tant qu’il subsistera un déséquilibre entre le volume de naissances des deux sexes.

mon impression

Ce fut un grand plaisir de lire ce roman. L’univers imaginé est d’une grande richesse et le lecteur trouve d’autant plus d’intérêt dans le personnage d’Elisa que son histoire personnelle est liée à celle de l’humanité.

Il y a quelques maladresses ici ou là (notamment une ellipse de plusieurs années que je ne trouve pas très réussie) qui restent négligeables face à la qualité générale de ce texte. Ceci est d’autant plus impressionnant qu’il s’agit d’un premier roman.

Lire un Vonarburg est toujours un plaisir. Outre ses qualités littéraires, elle fait partie des rares auteurs de SF qui appuient leur écriture sur les sciences humaines (ici sociologie, histoire, psychologie) plutôt que sur les sciences dures. Une auteure que j’adule et qui reste trop peu connue à mon goût en France.

Vous l’aurez compris, je recommande chaudement ce roman.

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